Le catholicisme polonais manifeste une grande ferveur, fortement marquée, au moins depuis la Contre Réforme, par la vénération de la Vierge Marie. En témoignent visiblement tous les sites religieux chers à Jean-Paul II que l’on peut visiter. Cela commence à Wadowice, la ville natale de Karol Wojtyla, où un remarquable musée, très moderne, témoigne de l’enfance pieuse du futur pape. Dans les environs , Kalwaria fut un lieu de prédilection de Karol Wojtyla que son père confia à la Vierge lors de la mort de sa mère alors qu’il avait neuf ans. Un chemin de croix s’y étend sur tout un paysage de collines, lui valant le surnom de Jérusalem polonaise. L’ensemble des chapelles qui le jalonnent et la basilique dédiée à Marie forment un vaste ensemble baroque attirant une foule de fidèles, y compris des groupes de jeunes nombreux.
Cette ferveur éclate surtout à Czestochova, célèbre sanctuaire marial et national, visité chaque année par près de cinq millions de pèlerins dont des dizaines de milliers font le voyage à pied. Dans le monastère construit au XIVe siècle sur la colline de Jasna Gora (la montagne lumineuse) se trouve l’icône miraculeuse de la Vierge noire réalisée sans doute à Byzance au VIe siècle. Une foule recueillie se presse en permanence dans l’église gothique aux murs couverts d’ex-voto. En 1655, les fortifications protégeant le monastère – et l’intervention miraculeuse de la Vierge – résistèrent au déluge suédois : des troupes protestantes fortes de 4 000 hommes et de 36 canons contre 160 soldats. Marie devint alors la protectrice de la Pologne.
L’Église en vint à tenir lieu de patrie lorsque le pays fut démembré entre la Russie, la Prusse et l’Autriche de la fin du XVIIIe jusqu’en 1920. À Czestochowa comme ailleurs s’affiche la popularité du pape Jean-Paul II ; statues et peintures dressent partout son allure dynamique : aux porches des monastères et des églises, mais même, à l’initiative des mineurs, au fond de la célèbre mine de sel de Wieliczcka. C’est à Cracovie, la première capitale et le cœur de la Pologne, que le futur pape fut ordonné prêtre, puis consacré évêque dans la cathédrale du Wavel, cette citadelle qui domine toute la ville. Karol Wojtyla s’y recueillit souvent devant deux mausolées : celui du saint patron de la Pologne, saint Stanislas, évêque et martyr, tué par le roi Boleslas le Hardi en 1079 et celui de la très savante et très pieuse Hedwige, première reine de Pologne en 1384, que, devenu pape, Jean-Paul II béatifia, comme il le fit pour bien d’autres, signes pour lui d’un appel à la sainteté pour tous les chrétiens. Entre cathédrale et château royal, ce haut lieu culturel et religieux attire les foules, touristes, pèlerins et groupes scolaires. L’attrait culturel de l’urbanisme de Cracovie tint à un sort préservé lors de l’invasion allemande dont souffrit le pays en 1939 : le Gouvernorat général de Pologne, en ayant fait son siège central, la traita comme ville allemande et maintint l’essentiel de son patrimoine bâti.
Les années noires : la résistance polonaise
Cette période de l’occupation nazie de 1939 à 1945 n’en fut pas moins une tragédie pour l’ensemble de la Pologne. Dès octobre 1939, le gouverneur allemand installé à Cracovie précise que « les Polonais deviendront les esclaves du Grand Reich ». L’intelligentsia est systématiquement envoyée en camps de concentration. Le 6 novembre 1939, les 144 professeurs de la célèbre Université Jagellone de Cracovie, où Karol Wotjyla, alors âgé de 19 ans, venait de commencer ses études de Lettres polonaises, sont arrêtés et déportés. Auschwitz, avant de devenir un camp de la mort pour les Juifs, a d’abord été un camp de travail pour les Polonais résistants qui y mouraient massivement de faim, de froid et d’épuisement.
« Une foule recueillie se presse en permanence dans l’église gothique aux murs couverts d’ex-voto »
À Varsovie, le musée d’histoire témoigne de l’épisode héroïque de l’Insurrection de la ville organisée par la résistance polonaise, le 1er août 1944. Pendant soixante-trois jours, les combats de rue font rage. Les Soviétiques installés de l’autre côté de la Vistule se gardent d’intervenir et Hitler fait raser 70 % de la ville. Les Juifs en 1939 formaient 10 % de la population de Pologne, parce que depuis le XIe siècle des rois avaient fait preuve d’une plus grande tolérance que leurs voisins. En 1940, enfermés dans des ghettos, ils meurent de faim et de maladie et les survivants sont déportés en 1941 dans des camps d’extermination, en particulier Auschwitz. À partir de 1942, une extension de ce camp, Auschwitz-Birkenau (ou Auschwitz 2) e s t construite à distance, où sont concentrées la déportation et l’exécution massive des Juifs de toute l’Europe. La visite de l’ensemble est une épreuve attendue , difficile , mais essentielle. Le visiteur est saisi d’horreur et de vertige comme au bord d’un gouffre devant l’immensité des installations de mort, les voies de chemin de fer, les baraquements évoquant la planification systématique du génocide. Mais l’intervalle spatial et chronologique entre les deux camps fournit un élément d’explication de la réaction polonaise lors de l’affaire du Carmel installé en lisière d’Auschwitz, suscitant l’indignation des Juifs, mais aussi de nombreux catholiques à l’étranger, en France notamment. Pour les Carmélites, l’épiscopat polonais et les Polonais en général, Auschwitz existait moins comme lieu de mémoire de la Shoah, que comme celui du martyre polonais. C’est l’intervention du pape Jean-Paul II qui ramena la sérénité.
Les années grises : la domination soviétique, 1947-1988
Ce joug-là aussi pesa lourdement. Il apparaît au cours de la visite de Nowa Huta, cité ouvrière accolée à un complexe sidérurgique à 10 km de Cracovie. Décidée par Staline en 1949, elle fut conçue comme un modèle de l’urbanisme communiste, d’ailleurs non sans attrait. Mais les habitants durent affronter vingt ans durant l ’idéologie athée pour imposer le droit d’ériger L’Arche du Seigneur, première église édifiée dans la Pologne d’après-guerre et consacrée en 1977 par l’archevêque Karol Wojtyla. Ce combat des ouvriers a été aussi incarné par le mouvement Solidarnosc et la figure de L. Walesa. Un prêtre d’une paroisse de Varsovie, le Père Jerzy Popielu sko, aumônier des ouvriers des aciéries de Varsovie, gagna leur confiance par le soutien spirituel et moral qu’il leur apporta au point de paraître dangereux aux yeux du pouvoir politique : il fut assassiné par les services secrets en 1984.
Sa tombe, près de l’église Saint Stanislas Kostka à Varsovie voit aff luer les fidèles. Son exemple prolonge et fait comprendre la popularité durable dont l’Église catholique jouit en Pologne, de même qu’au niveau supérieur, le soutien apporté par le pape Jean-Paul II au mouvement Solidarnosc contre le pouvoir communiste qui ne s’en remit pas. Ce voyage n’a permi s d’en saisir qu’un aperçu très sommaire, mais marquant de la Pologne aujourd’hui, l’image d’un pays moderne, qui a su se reconstruire brillamment, y compris par exemple le secteur dévasté du ghetto de Varsovie, et qui offre au regard les signes d’une réelle prospérité : urbanisme, infrastructures, équipement routier, parc immobilier, tout ce que le voyageur peut voir en un séjour limité témoigne du dynamisme de la Pologne d’aujourd’hui.