Dans cette interview, Alexandre Nussbaumer, pasteur de l’Église mennonite de Pfastatt, fait part de ses réflexions sur ce que nous enseigne la Bible au sujet du souci des plus pauvres. Des propos inspirants, mais réalistes qui poussent au questionnement… et pourquoi pas à l’action ?

SEL : Selon vous, comment le souci des pauvres s’inscrit-il dans l’appel à suivre Jésus ?

Alexandre Nussbaumer : L’itinéraire de Jésus est un itinéraire d’abaissement. Dans Philippiens 2, il est dit qu’il a quitté son ciel de gloire et qu’il est venu sur la terre. Et quelque part, en empruntant ce chemin, Christ a réellement endossé une humanité marquée par des signes de pauvreté : né dans une crèche dans une famille dont on estime qu’elle est de condition sociale moyenne à pauvre. On le voit dans les sacrifices qu’ils peuvent offrir qui sont plutôt ceux du pauvre. Le Christ se fait pauvre au milieu des pauvres !

Il est aussi pertinent de regarder ses rencontres durant son ministère. Il va vers beaucoup de personnes dans le besoin avec lesquelles il a des échanges alors que, lors de sa passion, il ne va répondre ni à Hérode, ni à Pilate, des gens importants de l’époque, des figures de richesse et de pouvoir. Jésus répondra par contre à l’un des deux brigands en croix, celui qui se reconnaît pauvre spirituellement.

Je ne suis pas en train de dire que la pauvreté est nécessaire, au contraire, je crois que dans le discours biblique elle n’est jamais exaltée, jamais magnifiée, elle est toujours un ennemi à combattre. Et nous qui marchons à la suite du Christ, sommes appelés à faire face à cette pauvreté avec les armes qui nous sont données : celles du partage, de la simplicité de vie, de l’engagement !

SEL : Quelle place le souci des pauvres prend-il dans ce que le nouveau testament nous dit de la vie des églises ? Quelles leçons pouvons-nous en tirer ?

Alexandre Nussbaumer : Dans la première épitre aux Corinthiens, Paul souligne que leur pratique de la Cène n’est pas ajustée car il y a des riches parmi eux qui mangent avec exubérance et qui font honte aux pauvres qui n’ont pas de quoi manger. Paul les exhorte à continuer de commémorer, de manger ensemble mais de le faire de manière à ce que personne n’ait honte, de manière à ce qu’il y ait suffisamment pour tous et que les traditionnelles différences qui structurent les sociétés entre riches et pauvres ne soient pas un obstacle à leur vie d’Église.

Pour moi, l’Église est cette communauté d’hommes et de femmes qui brisent les frontières usuelles. Il est rare que les pauvres et les riches fassent des choses ensemble. Il est rare que les gens instruits et les gens peu cultivés fassent des choses ensemble. Il est rare que les gens de cultures différentes fassent des choses ensemble. Mais Jésus vient agréger un ensemble de disciples capables de traverser ces frontières, non pas de les faire disparaître car il faut toujours faire attention, mais de les rendre moins […]