Par Antoine Bouvatier, trésorier de l’Église protestante unie de Pentemont, Luxembourg

D’abord, on ne naît pas trésorier, on le devient, pour la simple raison qu’un jour on vous appelle à ces fonctions et que vous répondez positivement.

Cela me semble important de le préciser, car ce n’est pas forcément un domaine de compétence qui est mis à contribution. Cela répond plutôt à une charge qui est confiée et qui doit être relevée en responsabilité. Certains parlent même d’un ministère. Il ne s’agit donc pas nécessairement de prendre plaisir à remplir cette tâche (ce serait trop facile, et donc pas très « protestant »), mais plutôt d’un service que l’on accepte de rendre à sa paroisse, à son église, à sa communauté. Comme une charge qu’on accepterait de porter à son tour, alors qu’elle a été portée jusque-là par d’autres, pas d’ailleurs parce qu’on serait volontaire, mais le plus souvent uniquement parce qu’on accepte l’appel du Conseil presbytéral. On peut d’ailleurs ne pas s’en sentir capable pour plein de raisons personnelles (compétences, temps disponible, etc.), mais pourquoi ne pas avoir confiance en soi, alors qu’on a confiance en vous ? L’appétence pour la fonction trouve donc sa source dans la volonté de rendre service, dans l’acceptation d’une charge, en toute humilité, plutôt que dans la réalisation d’une mission maîtrisée. Cela pourrait être l’inverse d’une mission confiée à un prestataire de services professionnel dont on attendrait des résultats, qu’on évaluerait selon des critères quantitatifs et/ou qualitatifs, en fonction de la réalisation d’objectifs déterminés.

Quels seraient d’ailleurs les objectifs d’un trésorier d’une association cultuelle ? J’ai immédiatement pensé que le mien serait de m’assurer d’avoir les fonds nécessaires pour servir les projets de notre église. En l’occurrence, je me suis rapidement aperçu que c’était en réalité un peu plus large et compliqué que cela. Les fonctions de trésorier relèvent aussi en partie de la grâce. En effet, le trésorier a pour mission de recevoir les dons. Cela peut être angoissant quand ces dons ne sont pas en ligne avec le budget, mais quoi de plus gratifiant que d’en être le récipiendaire ? Les dons des paroissiens bien sûr, mais pas seulement. Ils peuvent provenir également de personnes qui souhaitent participer financièrement à l’existence de la paroisse, alors même qu’elles l’ont quittée depuis longtemps. Parce que l’argent récolté sert à faire vivre l’église. Pas forcément parce qu’il y a beaucoup d’argent, mais pour deux raisons plus fondamentales : la première, c’est qu’il s’agit d’un don, d’un cadeau, d’un geste généreux qui fait avant tout plaisir à celui ou celle qui donne. Il est donc une émanation d’une forme de grâce. Il doit être reçu par le trésorier en tant que tel car le don apparaît comme un acte de foi. Pas de don, pas de foi, et sans foi pas d’église. La seconde, parce que le don est également la manifestation d’une appartenance à une communauté, un signe de la volonté de chacun et de chacune de participer, un acte positif pour que l’église vive. Sans le don, l’église ne peut pas vivre. Elle en a besoin comme tout un chacun, pour se chauffer, entretenir sa maison (celle du Seigneur), rémunérer ses serviteurs, mais aussi pour servir son œuvre. Sans argent, elle subsisterait au mieux de la dévotion de quelques bénévoles dont l’action ne serait pas soutenue. Elle se tarirait, non par faute de la bonne volonté de ceux qui continueraient de porter ses valeurs, mais par l’absence de ceux qui, parce qu’ils partagent ces mêmes valeurs, l’alimentent. Pas de don, pas d’église vivante. Là aussi, le don devient un acte de foi : je donne car je crois. Et inversement. C’est un acte porteur d’espérance et de vie. Un acte fort et fondateur. L’important réside donc davantage dans la multiplication de ces dons, des donateurs, plutôt que dans le montant, davantage dans la médiane que dans la moyenne. Le don chrétien est l’inverse de l’impôt. Il n’importe pas qu’une minorité soutienne la majorité, mais qu’au contraire, la majorité s’approprie le projet commun, que ce dernier soit donc l’œuvre du plus grand nombre. Ce sont les donateurs en eux-mêmes qui constituent avant tout la richesse d’une église, pas le montant de leur don. C’est la taille de l’assiette qui importe, de la base, plus que le taux de cotisation de chacun et de chacune. Comment construire une église sans piliers larges et solides, portée par une multitude de briques qui viennent consolider quelques grosses pierres ? En d’autres termes, cette richesse vient plus de la diversité et de la multiplicité de la communauté que de l’argent récolté en tant que tel. À quoi donc servirait-il de nourrir des projets auxquels les paroissiens n’adhéreraient pas et qui ne seraient du coup que l’apanage de quelques-uns ? J’ai mis un peu de temps à comprendre que, pour un trésorier et pour l’église qu’il sert, il n’y a pas de petits dons.

L’important est qu’ils soient à l’image des donateurs : nombreux et généreux. Le rôle du trésorier est donc d’élargir la base, de rappeler que la responsabilité de la vie de la communauté appartient à tous et doit être partagée par tous.