Dans le christianisme orthodoxe, l’identité nationale se confond souvent avec l’identité religieuse. Un glissement que critique le chercheur Pantelis Kalaitzidis, directeur de l’Académie d’études théologiques de Volos (Grèce) et membre du Comité exécutif de la European Academy of Religion (Bologne).

Le 13 mars dernier, Pantelis Kalaitzidis, en commun avec Brandon Gallaher (Université d’Exeter, Grande-Bretagne) ainsi que 63 théologiens et intellectuels orthodoxes de renom, a publié en ligne une déclaration qui condamne le soutien de l’Église orthodoxe russe à la guerre menée par la Russie à l’Ukraine.

Le texte bat en brèche une idéologie politico-religieuse qui s’est installée en Russie ces vingt dernières années. Elle établit qu’il existerait un «Monde russe» (Russkiy Mir) qui aurait «un centre politique commun (Moscou), un centre spirituel commun (Kiev comme ‹mère de toutes les Rus›), une langue commune (le russe), une Église commune (l’Église orthodoxe russe, patriarcat de Moscou), et un patriarche commun (le patriarche de Moscou), qui travaille en ‹symphonie› avec un président/dirigeant national commun (Poutine) pour gouverner ce monde russe, ainsi que pour défendre une spiritualité, une moralité et une culture communes et distinctives.»

Deux arguments se détachent du texte:

  • Une Église chrétienne orthodoxe n’a pas à soutenir une idéologie politique, quelle qu’elle soit, parce que sa seule préoccupation doit être «la venue du Royaume de notre Seigneur Jésus-Christ, un Royaume de justice, de paix et de joie dans le Saint-Esprit.»
  • Toute pensée qui «encourage la division, la méfiance, la haine et la violence entre les peuples, les religions, les confessions, les nations ou les États» et les individus n’est pas orthodoxe.

À la grande surprise de ses auteurs, le texte circule très rapidement dans le monde orthodoxe, et même […]