Nous sourions quand nous voyons nos amis français s’enfoncer toujours davantage dans les affres inhérentes à la défense d’une stricte laïcité ou même de ce qu’il convient de qualifier de religion laïque. L’interdiction de l’abaya à l’école a relancé le débat. L’argument principal : on ne veut aucun signe extérieur qui pourrait être une forme de prosélytisme. On est en droit de penser et de croire tout ce que l’on veut, mais il ne faut pas le montrer et surtout pas le proposer à d’autres comme une manière intéressante de comprendre sa vie. Comme la liberté d’expression est un droit accordé à tous par la constitution, on ne peut toutefois empêcher un croyant de défendre sa foi par des écrits, dans une émission de radio ou de télévision… En effet, personne n’est obligé de lire ce que j’écris ; tout le monde peut changer de poste ou de chaîne s’il ne veut pas entendre l’exposé de mes convictions. Par contre je n’ai pas le droit d’imposer mes opinions au regard de tous, même si c’est au moyen d’un vêtement qui n’a traditionnellement rien de religieux. Certes on ne peut (en principe) m’en empêcher dans la rue, mais, partout où l’état exerce son pouvoir : administration et écoles en particulier, on le fait.

Pour s’opposer à l’interdiction de signes religieux voyants, certains affirment que le port du voile ou de l’abaya n’est en rien une forme de prosélytisme. Il doit être autorisé au nom du respect de l’identité de chacun et de chacune. Imaginons cependant la situation suivante : une professeur de lycée ouvre une large discussion autour de l’interdiction du port de l’abaya. Elle arrive à convaincre ses élèves qu’une solution serait que toutes les filles de la classe ainsi qu’elle-même se mettent à porter un foulard et l’abaya tout comme le roi Christian X de Danemark avait porté une étoile jaune pendant l’occupation nazie et incité tous ses sujets à l’imiter afin de réduire à néant l’un des aspects des lois anti-juives. Après quelques instants de réflexions, certaines filles d’origine musulmane disent ne pas pouvoir être d’accord. On banaliserait ainsi leur identité. En faisant du voile ou de l’abaya une chose commune, on les empêcherait d’être fières de leur origine et de leur religion. Prosélytisme il y a donc, sous une forme légère, il est vrai.

Maintenant pourquoi ne veut-on pas que le prosélytisme puisse avoir lieu dans nos sociétés ? Cette question est valable aussi bien en France qu’en Suisse, même si c’est sous des formes quelque peu différentes. On n’a pas (encore?) interdit le voile […]