Le bilan du séisme marocain est aujourd’hui dramatique : plus de 2 800 morts et 2 500 blessés, des villages détruits, et des milliers de personnes à la rue. Intervenu dans la nuit de vendredi 8 septembre, au sud-ouest de Marrakech, le tremblement de terre a atteint une magnitude de 7, jamais enregistrée dans le pays.

Un vaste élan de solidarité s’est exprimé dans le monde, et la France a rapidement proposé d’envoyer ses équipes de secours. La Croix-Rouge a également lancé un appel aux dons d’environ 100 millions d’euros pour soutenir les opérations.

Ces derniers jours, Rabat a accepté l’aide immédiate de quatre pays, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Qatar et les Émirats arabes unis. Mais la France ne figure pas parmi les pays qui apporteront leur soutien au Maroc. Si le royaume n’a pas officiellement refusé toute aide de Paris, plusieurs spécialistes estiment qu’il s’agit d’un camouflet.

Une succession de crises diplomatiques

Les relations entre la France et le Maroc sont très tendues autour de plusieurs questions. En 2022, Paris s’est rapprochée de l’Algérie en signant un partenariat pour réchauffer les relations entre les deux pays. Le Maroc accuse Paris de privilégier ses relations diplomatiques avec Alger, comme l’explique La Croix.

Or, l’Algérie et le Maroc se disputent le Sahara occidental, une bande de terre quasi désertique et territoire autonome de l’ONU. Le royaume marocain la revendique depuis 1975, mais il est en conflit avec les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l’Algérie.

D’autres affaires empoisonnent les relations entre la France et le Maroc. En juillet 2021, un consortium de médias a révélé une vaste affaire d’espionnage de personnalités politiques, journalistes ou militants. Le logiciel d’espionnage, appelé Pegasus, aurait notamment été utilisé par le Maroc. Le royaume est accusé d’avoir espionné Emmanuel Macron et son ancien Premier ministre.

Par la suite, Paris a annoncé restreindre fortement le nombre de visas accordés par la France aux ressortissants marocains. Ce nombre a chuté de 80% entre 2019 et 2021.

Signe politique ou nombrilisme ?

Mais les tensions diplomatiques culminent depuis le début de l’année 2023 et l’affaire du Qatargate, ajoute La Croix. Ce scandale de corruption met en cause des membres du Parlement européen, mais aussi un ministre du royaume marocain. Les eurodéputés ont ainsi voté une résolution dans laquelle ils se déclarent « profondément préoccupés » par « les allégations selon lesquelles les autorités marocaines auraient corrompu des députés au Parlement européen ».

Face à cette longue liste de crises diplomatiques, certains spécialistes de géopolitique s’accordent à penser que le Maroc refuse l’aide de Paris. L’historien à la Sorbonne Pierre Vermeren, cité par Les Échos, considère qu’il s’agit d’un « signe politique clair » du froid entre les deux pays, alors que « les Français ont l’habitude de travailler avec le Maroc ».

Mais pour d’autres spécialistes, le Maroc obéit surtout à des choix pragmatiques, en pleine catastrophe. Abdelmalek Alaoui, président de l’Institut marocain d’intelligence stratégique, explique aux Échos que le Qatar a les meilleurs chiens, tandis que le Royaume-Uni a les meilleurs drones. Il serait complotiste de penser que le Maroc refuse catégoriquement l’aide de la France, selon lui.

À Paris, la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, espère bien faire partager ce point de vue. Elle a dénoncé, lundi 11 septembre, une « mauvaise polémique » naissante après le choix du Maroc de ne pas faire intervenir les secours français. Serions-nous trop nombrilistes ?

Lire aussi :