Alors que dans la population générale, les victimes d’abus sexuels sont majoritairement des filles, la proportion s’inverse concernant les abus au sein de l’Eglise catholique.
Les victimes des abus sexuels commis au sein de l’Eglise catholique suisse, révélés en début de semaine, sont majoritairement des mineurs (74%), mais également des garçons (56%). En France, selon les chiffres du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), cette proportion de victimes masculines s’élevait même à hauteur de 80%, alors que partout ailleurs (famille, école, sport, etc.), les victimes sont majoritairement des filles (60%). Comment expliquer une telle particularité? Entretien avec Florence Thibaut, professeure de psychiatrie et d’addictologie à la Faculté de médecine Paris Descartes et membre de la CIASE.
En tant que psychiatre, comment vous expliquez-vous l’ampleur des cas d’agressions sexuelles envers des mineurs dans l’Eglise catholique ?
Il n’y a pas de raison que ce soit différent par rapport à la population générale. Les chiffres montrent qu’il n’y a pas plus d’abus dans le contexte ecclésial par rapport à la situation au sein de la société dans son ensemble. On a aujourd’hui plus de risque de se faire abuser au sein de sa famille que dans l’Eglise catholique (3,7% contre 1,2% selon une enquête menée pour la CIASE, ndlr.). En effet, l’immense majorité des agresseurs sexuels sont des parents incestueux ou d’autres membres de la famille. Les chiffres dévoilent par contre une différence notoire: les victimes d’abus dans l’Eglise sont majoritairement de jeunes garçons (80%, ndlr.), alors que dans la population, c’est plutôt des filles (60%, ndlr.). Le pourcentage est pratiquement inversé.
Comment le comprenez-vous ?
Les enquêtes anonymes qui ont été menées montrent qu’il y a entre 30 et 40% d’homosexuels dans le clergé, une proportion beaucoup plus importante que dans la population générale (environ 10%, ndlr.) Pourquoi y a-t-il autant d’homosexuels dans le clergé? Je ne saurais vous répondre. Il est possible que certains aient caché leur homosexualité derrière la fonction, qui va de pair avec le célibat, et ce surtout à l’époque où cette orientation était soit condamnée, soit très mal jugée. Cela pouvait être, dans certains noyaux familiaux, une façon de ne pas lever le secret de famille.
A contrario, d’aucuns pointent l’obligation du célibat pour expliquer ces abus. Cela vous semble-t-il une explication plausible?
C’est une possibilité. Quand on regarde les dossiers, on s’aperçoit qu’il y a quand même une frustration sexuelle importante chez ceux qui ont sévi. Si la majorité des victimes sont de sexe masculin, il ne faut pas oublier […]