Éric Zemmour sera de nouveau en procès, comme l’a ordonné la Cour de cassation mardi 5 septembre. Le polémiste est mis en cause pour « contestation de crime contre l’humanité » car il a soutenu que Pétain avait « sauvé » des juifs français durant la Seconde guerre mondiale.

Le parquet général a formé un pourvoi en cassation contre la décision de la cour d’appel de Paris de relaxer Éric Zemmour en mai 2022, nous apprend Le Point. Ses propos polémiques remontent au 14 octobre 2019 lors d’un débat sur CNews.

Éric Zemmour était alors le chroniqueur vedette de l’émission Face à l’info, et débattait avec le philosophe Bernard Henri-Lévy. Ce dernier lui reprochait de soutenir la thèse selon laquelle Pétain avait sauvé les juifs français. « C’est encore une fois le réel, je suis désolé », lui avait répondu Éric Zemmour.

Le « glaive et le bouclier »

Les prises de paroles du journaliste et désormais homme politique font régulièrement bondir l’opinion publique. Il a déjà été poursuivi en justice à une quinzaine de reprises, pour injure raciale, provocation à la haine ou contestation de crime contre l’humanité.

Régulièrement, Éric Zemmour cherche à réhabiliter Philippe Pétain en lui attribuant un rôle contesté, durant la Seconde guerre mondiale. Dans son livre Le Suicide français, paru en 2014, il relance l’idée que Pétain a cherché à protéger la France et notamment les juifs.  

Il s’appuie ainsi sur l’écrivain Robert Aron, et sa thèse révisionniste du « glaive et du bouclier ». Pour lui, le général de Gaulle et le maréchal Pétain auraient agi ensemble pour défendre la France, le second étant le « bouclier », en protégeant le pays par une politique de collaboration. Pétain aurait donc attendu l’« épée » de de Gaulle pour vaincre l’Allemagne nazie.  

« Vichy a protégé les juifs français et donné les juifs étrangers », estimait Éric Zemmour sur Europe 1, en septembre 2021. Le polémiste invoque régulièrement le fait qu’une grande partie des juifs français n’ont pas été déportés, et parle même de « 95% » de juifs sauvés. France Culture explique qu’il s’appuie sur le mythe d’un maréchal protecteur, comme les avocats de Pétain ont cherché à le présenter lors de son procès après-guerre.

Un régime antisémite

Le problème est que la thèse du « glaive et du bouclier » a été conceptualisée par un écrivain et non un historien. Et de nombreux travaux viennent contredire le rôle protecteur de Pétain. Les hommes du régime de Vichy sont loin de s’être érigés contre le nazisme et ont eu, au contraire, une attitude ouvertement pro-allemande, selon l’historien Henri Michel.

En 1973, l’historien Robert Paxton publie La France de Vichy et démonte complètement la thèse du glaive et du bouclier. Il cherche à montrer que l’image positive de Pétain est erronée car le régime de Vichy a pris de nombreuses initiatives en matière de législations anti-juives.

Le nombre de personnes juives sauvées est pourtant exceptionnellement élevé en France pendant la Seconde guerre mondiale, en comparaison avec d’autres pays d’Europe. Mais cette exception française est surtout à mettre au compte de la solidarité des habitants et des réseaux clandestins.

Comme l’indique La Croix, qui cite l’œuvre Une énigme française de Jacques Semelin, une partie des juifs ont rejoint la zone libre, d’autres ont trouvé refuge dans les zones rurales ou ont bénéficié d’initiatives généreuses de fonctionnaires. Le régime de Vichy, lui, n’a eu de cesse de prendre des initiatives antisémites fragilisant les juifs, selon la très grande majorité des historiens.