Par Emmanuelle Seyboldt, pasteure, présidente du Conseil national de l’Église protestante unie de France

Peut-on résumer la moitié de l’humanité dans un singulier ? La réponse est implicite. S’est-on déjà posé la question inverse : quelle place pour l’homme dans l’Église ? Quand je lis la Bible, j’observe la manière dont Jésus a été en relation avec des femmes. Elles étaient pour lui « des hommes comme les autres », des personnes avec lesquelles on peut aborder tous les sujets : la vie, la mort, la foi, l’engagement, l’argent, la maladie, le repas et le repos…

Une place égale devant Dieu

Cette non-différenciation entre deux singuliers, la femme et l’homme, se poursuit dans les premières communautés chrétiennes. On y rencontre des femmes responsables d’Église, et l’apôtre Paul adresse ses salutations indifféremment aux femmes et aux hommes à la fin de ses lettres, dans les années 50-60 apr. J.-C. Théologiquement, avec le baptême, toutes et tous ont leur place, une place de même importance et unique devant Dieu. Chacune et chacun prend la place dans laquelle elle ou il est bien dans l’Église, les engagements et responsabilités qui lui conviennent et pour lesquels elle ou il a des compétences, et où la communauté la ou le reconnaît. C’est un peu lourd à la lecture, j’en conviens, mais ce détour permet de mieux décrire ce qui est ou devrait être.

Bien sûr, entre l’idéal et la réalité, il y a parfois un écart. Voire un gouffre. Entre l’ambition de l’Évangile (une égale dignité pour toutes et tous les baptisés) et la réalité sociale dans laquelle vivent les communautés chrétiennes, la distance est telle, en certains lieux, que les Églises sont obligées de respecter les règles de bienséance sociale sauf à passer pour des sectes dangereuses et à ne pouvoir annoncer l’Évangile. Un aller-retour est ainsi opéré entre les convictions fondamentales et l’adaptation à la réalité sociale.

Un statut fluctuant

À chaque période de réforme de l’Église, les femmes ont retrouvé un peu de la liberté évangélique, avant de la voir restreinte à nouveau. Avec la réforme de Luther au XVIe siècle, par exemple, les femmes ont pu prêcher, avant d’en être à nouveau empêchées.

Parler de l’Église au singulier est d’ailleurs presque aussi difficile que de parler de la femme au singulier ! Aujourd’hui, dans certaines Églises protestantes, les femmes occupent les fonctions qu’elles souhaitent ; dans d’autres, elles n’ont pas la possibilité d’être pasteure ni d’accéder à la gouvernance. Les Églises justifient leur organisation par des manières différentes de lire la Bible. Il faut dire qu’un même auteur biblique, l’apôtre Paul, a écrit à la fois : « En Christ, il n’y a plus homme et femme » et « Que les femmes se taisent dans les assemblées ». Tout l’enjeu de la lecture est de comprendre pourquoi il a pu rédiger ces deux textes. On en revient à la pression sociale que je décrivais plus haut. Quel est le cœur de l’Évangile et sur quoi doit-on temporairement transiger afin que le message évangélique puisse être reçu par des non-croyants ?

Aujourd’hui, la société française porte fortement les revendications féminines de liberté, responsabilité, respect égal aux hommes pour leur vie et leurs engagements. Je suis heureuse que l’Église à laquelle j’appartiens ait fait ce choix depuis des décennies.