Sa vocation ne date pas d’hier : c’est lors d’une visite à un enfant malade, avec son père pasteur, que Denis Mukwege décide de devenir médecin. À vingt-neuf ans, un doctorat en médecine de l’université du Burundi en poche, il se forme à la gynécologie obstétrique à Angers. De retour en RDC, il dirige l’hôpital de Lemera, dans le Kivu. La région, frontalière du Rwanda et du Burundi, est en proie à de terribles conflits armés liés à des tensions ethniques et à l’exploitation des ressources naturelles. Bouleversé par les atrocités commises sur le corps des femmes par les milices rebelles, Denis Mukwege fonde l’hôpital de Panzi, à Bukavu, en 1999.

Un engagement d’exception pour les femmes

À Panzi, Denis Mukwege soigne les victimes des viols de guerre, toujours plus nombreuses. Quand il reçoit au bloc opératoire une fillette de dix-huit mois, il est consterné. Plus tard, il subit un deuxième choc en opérant une enfant de huit ans, elle-même née d’un viol et violée à son tour, et décide d’en appeler à la solidarité internationale. Le docteur dénonce les crimes, accuse les responsables des exactions et devient le porte-parole de la souffrance des Congolaises violées. Son action lui vaut le prix Sakharov en 2014 et le Nobel de la paix en 2018.

Depuis vingt-cinq ans, Denis Mukwege soigne les corps mutilés mais aussi les cœurs brisés et les esprits dévastés. Grâce au programme de soins holistique – soutien médical, psychologique, socio-économique et juridique – proposé par la Fondation Panzi, les femmes reprennent goût à la vie.

La médaille de la ville de Strasbourg

Lors de sa conférence dans la capitale alsacienne, en octobre, Denis Mukwege a affirmé que la souffrance des femmes violées provoque chez elles un déni d’humanité. Invité par l’association protestante Interdéveloppement et Solidarités pour recevoir la médaille de la ville, le gynécologue en a appelé à une justice pénale internationale afin que les crimes commis ne restent pas impunis : « Les Congolais ont droit à leur Nuremberg. Les femmes violées et mutilées en ont besoin pour leur reconstruction. » Puis, houspillant les consciences : « Quand la Russie envahit l’Ukraine, tout le monde trouve ça anormal, quand le Rwanda envahit le Congo, personne ne dit rien. La vie des Congolaises et des Congolais n’a-t-elle pas la même valeur que celle des autres peuples ? »

Une foi en action

Chrétien fervent et pasteur à ses heures, Denis Mukwege s’appuie sur les préceptes de la Bible. Il rappelle que Dieu donne aux hommes la liberté de choisir de faire le bien ou le mal. Il en va de la responsabilité de chacun de construire « un monde meilleur dans lequel nous n’acceptons pas pour l’autre ce que nous n’accepterions pas pour nous ».

L’Église ne peut pas rester indifférente face à cette humanité qui souffre, elle doit manifester la compassion, la générosité et l’hospitalité plus que jamais. « Nous sommes dans le monde mais nous ne sommes pas du monde, a scandé le docteur à l’adresse des chrétiens strasbourgeois, notre comportement doit faire la différence. »

Denis Mukwege répare les corps mutilés, restaure les esprits dévastés, et réveille nos âmes anesthésiées. Il est des crimes qui doivent cesser. Nous lèverons-nous à ses côtés pour défendre la cause de nos sœurs en humanité ?