Au-delà de la violence psychologique du soin, le CNEMM1 a mis en évidence, dans son dernier rapport, un risque de mort maternelle 2,8 fois supérieur pour les femmes migrantes. La barrière de la langue n’explique pas tout : une forme de violence institutionnelle est suspectée dans l’accueil de ces familles qui mettent à l’épreuve nos pratiques sanitaires. Une étude nationale coordonnée par l’Inserm, actuellement en cours, documente le rôle des biais implicites dans les soins de périnatalité dispensés aux migrants.

Les traitements seraient-ils inconsciemment dispensés de façon discriminatoire par les professionnels de santé ? Dans l’attente des réponses fournies par cette étude, il est urgent d’avancer dans la démarche de sensibilisation des soignants.

Communiquer pour expliquer le cadre sanitaire

La grossesse et l’accouchement sont des événements heureux, aux complications rares ; le moment est idéal pour poser les bases du suivi de la femme migrante en adaptant notre organisation de soins hospitalière. Il est tout à fait licite d’écouter cette demande d’accompagnement culturel de la physiologie et d’adapter le degré de médicalisation quand une situation est compliquée ou sur le point de le devenir. Les femmes migrantes, et par extension «  nées ailleurs », viennent accoucher avec leur représentation de l’obstétrique, étayée par des médicalisations locales liées à des niveaux sanitaires insuffisants pour les femmes originaires des pays les moins avancés. Elles sont souvent optimistes car habituées à vivre une obstétrique démédicalisée au résultat « heureux ». Les complications rares et graves ne sont pas envisagées et accueillies avec fatalisme.

Il convient de communiquer clairement avec ces familles à l’aide de ressources traduites pour leur expliquer un cadre sanitaire qui, le plus souvent, leur est totalement inconnu : les femmes seront alitées, perfusées, parfois dénudées et soignées par un personnel mixte. Ce cadre diffère de l’accouchement au domicile qui constitue souvent la référence de l’accouchement « au pays ». Les cours de préparation à la naissance et la parentalité (PNP), avec un traducteur, sont des moments propices pour organiser cette information via des expériences vécues par des « sœurs », par exemple lors de cours collectifs et de discussions avec une sage-femme ou un gynécologue obstétricien.

Sensibiliser les équipes à la transculturalité

Ressources de traduction, formation et sensibilisation des équipes à la transculturalité sont nécessaires à la mise en place d’une dynamique institutionnelle des maternités. On rappellera, lors des temps de consultations, que le soignant hospitalier n’a ni genre, ni orientation politique ou religieuse, et que cette base relationnelle doit être comprise et validée par tous. Ce cadre, une fois fixé, permet le plus souvent de résoudre bon nombre de situations parfois conflictuelles. Encore faut-il avoir la possibilité de le préciser lors des consultations faites en milieu hospitalier, sur le lieu d’accouchement, avec un temps suffisant et les ressources de traduction nécessaires.

Nous avons mis en place, dans notre groupe hospitalier, le dispositif « Naître ailleurs », à cet effet. Véritable processus d’équipe, il constitue un outil de cohésion des soignants. L’ouverture à la transculturalité vers les allophones dépasse la seule population des femmes exilées et bénéficie à toutes les familles accueillies.

Richard Beddock, chef de service maternité, Groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon