Il aura fallu sept années, comprenant un an d’enquête, deux ans d’expertises médicales, plusieurs recours et une crise sanitaire pour que soit enfin jugée “l’affaire Théo”. Ce mardi 9 janvier, devant la cour d’assises de la Seine-Saint-Denis, à Bobigny, le procès pour “violences volontaires aggravées” déterminera la responsabilité des trois policiers accusés.

Les faits remontent au 2 février 2017, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). La scène, qui selon les informations du Monde dure huit minutes, a été captée par des caméras de vidéosurveillance de la ville. Quatre policiers en uniforme – dont l’un a été mis hors de cause lors de l’enquête – s’approchent d’un groupe de jeunes installés au pied d’un immeuble, à proximité d’un point de deal, dans le quartier de la Rose-des-Vents. L’un d’eux hausse le ton, ne souhaitant pas se laisser fouiller par les policiers.

Selon franceinfo, un deuxième homme, Théodore Luhaka, âgé de 22 ans, que tout le monde appelle Théo, s’interpose. Les images, qui seront révélées en partie par Europe 1 en janvier 2018, montrent une “empoignade” entre le groupe de jeunes hommes et les policiers, tandis que “le pantalon de Théodore Luhaka était tombé au niveau du bas des fesses, laissant apparaître son caleçon”. Théo tombe ensuite sur un policier, assène un coup de poing à un des fonctionnaires, et ses collègues tentent de maîtriser le jeune homme en le rouant de coups avec une matraque. Alors que Théo est relevé et bloqué contre un muret par les policiers qui tentent de le menotter, l’agent Marc-Antoine C., qui se trouve derrière Théo, lui porte un coup au niveau des fesses avec sa matraque, et le jeune homme s’effondre.

Handicapé à vie

En arrivant au commissariat d’Aulnay-sous-Bois où il est placé en garde à vue, il est victime d’un malaise. Les policiers affirment avoir constaté que Théo “saignait au niveau des fesses”. Le jeune homme, qui est victime d’une perforation rectale, est opéré d’urgence. Il subira par la suite plusieurs interventions chirurgicales, mais restera handicapé à vie. Le soir même, Théo déclare que les policiers l’ont frappé et que l’un d’eux a baissé son pantalon avant d’introduire sa matraque.

Selon La Voix du Nord, une enquête administrative de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) avait conclu à “un usage disproportionné de la force et à un manquement au devoir de protection due aux personnes placées sous la garde de la police”. Dans ce rapport, l’IGPN établissait que “les deux violents coups d’estoc du BTD” étaient portés à un moment où “Théo Luhaka ne commet pas d’atteinte envers l’intégrité physique des policiers interpellateurs”.

Un procès très attendu

Le procès de cette affaire, qui avait entraîné plusieurs jours de manifestations et d’émeutes ainsi qu’un déplacement controversé du président de l’époque, François Hollande, au chevet de Théo, est très attendu. Théo, qui est aujourd’hui âgé de 28 ans, s’est exprimé auprès du Parisien, en précisant : “Ce jour-là, ma vie s’est arrêtée.”

Le principal accusé, Marc-Antoine C., 34 ans, comparaît pour “violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente chez la victime”, un motif expliquant sa présence devant une cour d’assises et non devant un tribunal correctionnel. Si le policier reconnaît lui avoir porté un geste d’estoc, une technique enseignée en école de police afin de déséquilibrer une personne résistant à une interpellation, il nie avoir voulu le blesser à cet endroit volontairement. Il encourt dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.