Samedi 15 mars, ils étaient entre 275 000 et 325 000 serbes à manifester dans les rues de la capitale, Belgrade. Ces chiffres relevés par un organisme de comptage indépendant, représentent un sixième de la population totale de la Serbie (6,6 millions en 2023) et traduisent l’engouement général d’une protestation qui dure depuis plusieurs mois. Pour comprendre cette mobilisation exceptionnelle, il faut remonter à l’origine du mouvement social.

Le 1er novembre 2024, l’effondrement d’un auvent de la gare de la ville de Novi Sad a coûté la vie à 15 personnes, rapporte Euronews. La vétusté de l’édifice a rapidement été remise en cause et la « corruption dans le secteur du BTP » a été pointée du doigt, explique Ivica Mladenovic, chercheuse à l’université de Belgrade, à France info. Dès lors, les étudiants serbes se sont engagés dans une lutte sociale visant à faire tomber les hauts fonctionnaires du pays.

Contre la corruption massive en Serbie

Le mouvement est donc exceptionnel par sa longévité (depuis quatre mois) et son ampleur qui ne cesse de grandir chaque jour. Car depuis la date de l’incident, des manifestations sont organisées quasi quotidiennement, souligne France info. Le mouvement est également un succès car il fonctionne hors du cadre conventionnel, sans leader désigné. Comme l’explique Ivica Mladenovic, la contestation « transcende les clivages partisans traditionnels et rassemble une large diversité sociale : étudiants, enseignants, travailleurs précaires, habitants de zones rurales et jeunes diplômés sans perspective ». Elle précise aussi que les partis d’opposition qui ont rejoint la cause n’ont qu’un « rôle marginal » dans le combat social.

D’un point de vue politique, les manifestations ont bousculé l’échiquier gouvernemental. Fin janvier, le Premier ministre Milos Vucevic a été contraint de démissionner et n’a toujours pas été remplacé. Depuis, le président Aleksandar Vucic dénonce l’ampleur du mouvement et refuse « de nommer un gouvernement technocrate pour préparer des élections », déclare un docteur en sciences politiques à France info. L’avenir de la mobilisation serbe ne fait pour l’heure aucun doute, tant elle a pris des proportions historiques et rassemble l’ensemble des castes de la société. Elle serait même bénéfique pour l’avenir politique du pays des Balkans. Pour cela, il faudra « s’enraciner et se doter d’une vision politique cohérente », juge la chercheuse Ivica Mladenovic, et cela pourrait bien « redéfinir en profondeur le paysage politique serbe ».