Dominique Angers est professeur de Nouveau Testament et de théologie pratique à la faculté de théologie évangélique de Montréal. Docteur en théologie (université de Strasbourg), il s’exprime régulièrement sur son podcast d’enseignement biblique, Parle-moi maintenant. Il est l’auteur du livre La Méditation biblique à l’ère du numérique.

Communication, information, connexion… Existe-t-il une théologie de la technologie ?

Dieu ne nous dicte pas des règles ultra-précises sur tout. Bien sûr, certains commandements sont clairs, mais Dieu nous donne son Esprit. Les objets technologiques de la vie courante peuvent être utilisés pour faire le bien ou pour faire le mal. Sur les réseaux sociaux, je peux aimer mon prochain ou lui nuire. Aucune technologie n’est neutre. Quand un concepteur crée une nouvelle technologie, il le fait aussi pour promouvoir sa vision de l’être humain et nous entraîner dans son projet. La question est : si je ne partage pas cette vision du monde, puis-je quand même utiliser cette ressource en adaptant son usage à ma propre vision ? Demandons-nous ce que nous gagnons ou perdons en utilisant cet outil, discernons si cet usage nous aide à vivre l’Évangile ou s’il fait obstacle à nos actions de grâce. Cette pratique me rapproche-t-elle de Dieu ou m’éloigne-t-elle de lui ?

Les technologies numériques peuvent donc nous éloigner de Dieu ?

La Bible nous invite à garder nos regards fixés sur Dieu, pas sur nos écrans. À l’ère des selfies et du narcissisme exacerbé, nous dirigeons davantage nos regards vers l’homme que vers Dieu. Spurgeon1 affirmait que tous nos moments de battement devaient être occupés par la prière. Or, ces moments-là sont aujourd’hui envahis par nos notifications. Entre deux tâches, je clique. L’univers virtuel entre en concurrence avec ma vie de prière, il m’offre des solutions de remplacement qui diminuent ma conscience des choses célestes. Nos yeux sont saturés de pixels et il ne nous reste que peu de place pour la contemplation du vraiment sublime.

Pourtant, nos bénédictions les plus précieuses se trouvent dans les lieux célestes. Nous sommes fascinés par l’éclat et la magnificence du cyberespace terrestre, mais sommes-nous toujours émerveillés par le spectacle, ô combien plus grandiose, que nous offre vingt-quatre heures sur vingt-quatre et à jamais le monde céleste ?

Au moins le numérique nous rapproche-t-il des hommes

Le numérique nous tire vers la fragmentation plutôt que la réconciliation. Nous entrons en contact avec des personnes inconnues, nous nous découvrons des affinités insoupçonnées. Mais, en même temps, les médias sociaux encouragent l’esprit de clan, les polémiques, les raccourcis, les mises à l’index. Les chrétiens ne font pas exception et ne sont pas toujours prompts à examiner leur position et celle des autres au regard des textes bibliques. Nous sommes appelés à cultiver le dialogue courtois et à résister aux promulgations ex cathedra de tel ou tel « magistere. com ».

Les manières inédites de vivre les relations dans notre monde hyper-connecté affectent aussi la vie d’Église. Sur Internet, il est facile d’être en relation avec des gens qui partagent nos points de vue. Mais, dans l’Église, nous ne choisissons pas nos frères et sœurs. Pour certains, avoir une conversation en tête-à-tête avec une personne est devenu une véritable épreuve.

Dieu nous offre de vivre avec lui des expériences autrement plus vraies et plus fortes que celles que nous propose le monde numérique. Nombreux sont ceux qui se sentent aujourd’hui dépassés par leur pratique et choisissent de prendre en main leur vie numérique. Mais une attitude défensive ne suffit pas. La question de fond est plutôt : qu’est-ce que je veux faire de ma vie ?