1 Dans votre livre, Une sacrée erreur, vous invitez vos lecteurs à découvrir leur propre potentiel. Est-ce essentiel de connaître sa valeur ?

Une Sacrée erreur fait référence à ma vie avec le handicap, depuis ma naissance, et à ma lutte quotidienne pour m’en faire un ami plutôt qu’un ennemi. Vous me direz qu’un handicap colle à la peau et qu’il est difficile de faire comme s’il n’existait pas ! Certes… mais cela n’empêche pas la majorité des personnes handicapées de revendiquer le fait qu’elles sont « comme tout le monde ». La revendication est légitime, mais l’approche trop générique. Ma vision du handicap est différente : j’ose affirmer qu’il est une erreur, voire l’erreur fondamentale de la nature.

Le handicap suscite toujours la même interrogation : « Qu’est-ce qui s’est passé ? », « Qu’est-ce qu’il a eu ? » Autrement dit, il y a eu un problème, une erreur dans son développement. Dans une culture où il faut tout faire pour éliminer les erreurs, le sujet n’attire pas beaucoup. Quand on entend que « l’erreur est humaine  », surtout pour justifier un « plantage », on comprend que l’erreur est essentielle à tous les apprentissages. Elle n’a qu’une utilité en ce monde : l’amélioration personnelle et collective. Pour « devenir meilleur », il est nécessaire de s’estimer, c’est-à-dire de reconnaître sa valeur. Nous sommes des « créatures merveilleuses1 », en constante progression. 

2 Le handicap, ou plus généralement la souffrance, sont-ils des alliés pour discerner ce qui est essentiel ?

 Le handicap entraîne une souffrance. La souffrance est différente de la douleur. Si nous arrivons plus ou moins à soulager la douleur, la souffrance est beaucoup plus délicate à contenir car elle naît du décalage entre ce que je suis et ce que je voudrais être ; en ce sens, le handicap peut devenir un générateur d’essentiel car il nous invite à revisiter nos prétentions, à discerner les capacités qui nous permettront d’atteindre nos buts.

Nous avons tous appris : « Quand je veux, je peux », mais cet adage ne fonctionne pas lorsqu’on est handicapé. Le handicap nous fait dire : « Quand je peux, je veux. » Ce n’est pas du tout une volonté au rabais, mais plutôt une réorganisation de nos capacités, mises au service de notre volonté, et surtout de la volonté de notre Père céleste. « Que Ta volonté soit faite, sur la terre comme au ciel », oui, la volonté du Père est toujours la meilleure qui soit et Il a besoin de nos capacités pour réaliser sa promesse !

3 Adolescent, vous avez envisagé le suicide ; comment votre essentiel a-t-il évolué au fil des ans ?

Oui, j’ai envisagé le suicide car ma souffrance était trop grande. À cette époque, je refusais ma situation de handicap et voulais être comme tout le monde ; c’était mon essentiel. Notre essentiel évolue avec le temps, jusqu’à notre mort. L’essentiel est notre énergie, le carburant qui nous fait vivre. Quand j’ai découvert le Christ, cet ami qui est toujours avec moi, j’ai trouvé mon essen-ciel. Il me donne la force de continuer ma route terrestre avec les difficultés quotidiennes. S’il y a souffle de vie, il y a possibilité de devenir meilleur, avec la grâce de Dieu. C’est cela qui me donne l’énergie nécessaire pour accomplir ma mission en tant qu’époux, père de famille, psychosociologue, cofondateur de Nouvelle Ère, diacre permanent au service du bien commun. Trouver son essen-ciel permet de découvrir les vraies priorités !

1 Psaume 139.1