Notre monde est en train de bouger, je suis persuadée qu’il faut des changements sociétaux importants et démocratiques qui impliquent des personnes habituellement exclues. Nombreux sont les gens qui ont une expérience de vie autre que la mienne, il n’y a pas de raison que mon expérience ait plus de valeur que la leur.

Des savoirs à valoriser

Les personnes qui ont l’impact le plus important sur l’environnement sont celles qui ont le plus de moyens. Et celles qui souffriront le plus, et en premier, des changements environnementaux sont les personnes qui ont le moins de moyens pour s’en protéger. Pourtant, ces personnes en situation de précarité disposent d’un savoir que ne possède pas le reste de la société, savoir précieux pour nous adapter collectivement. Il y a un bénéfice à lier la question de justice sociale, d’inclusion, aux dérèglements environnementaux pour construire une société plus juste et résiliente.

Des expériences m’ont frappée. Je croyais savoir et j’ai compris que je pouvais voir les choses autrement. Par exemple, quand il a été question d’installer un éco-lieu, j’ai immédiatement pensé sobriété énergétique, autonomie alimentaire, etc. Mais les militants interrogés ont répondu liens de voisinage, relations… Je raisonnais en autonomie et protection individuelle, ils raisonnaient en réseaux. J’étais en décalage.

Ce savoir de la débrouille est à valoriser mais la sobriété étant subie par les personnes en situation de précarité, il faut veiller à ne pas les réduire à leur savoir. Si on se met à encenser cette sobriété subie, on ne va pas du tout aider ces personnes qui vivent dans des conditions indécentes.

Ne laisser personne sur la touche

Il y a des gens qui ont vécu ou vivent des situations de grande précarité et sont particulièrement sensibles aux dérèglements environnementaux ; pour d’autres, des problèmes plus urgents sont à régler.
Les messages pour la protection de l’environnement sont parfois culpabilisants : quand on dit qu’il faut consommer local et bio pour sauver la planète, ce n’est pas évident, potentiellement cher, l’endroit où l’on va pouvoir s’approvisionner est parfois loin. Cependant, on ne peut pas partir du postulat que les personnes en situation de précarité ne veulent pas s’impliquer dans la sauvegarde de la planète parce qu’elles ont d’autres priorités.

Ces personnes oubliées, qui vivent des exclusions sociales, font partie de la société. Il faut les prendre en compte, les inviter dans le débat, les associer à la réflexion. ATD Quart Monde donne la parole aux militants, ils prennent confiance en eux, osent s’exprimer, notamment à travers des Universités populaires Quart Monde. Ils ont beaucoup à nous apprendre.

Les associations qui œuvrent pour le climat et l’environnement devraient faire un pas vers celles qui sont impliquées dans la justice sociale, aller à la rencontre des personnes précaires pour faciliter l’interconnaissance, croiser les savoirs et engager des luttes communes. Nous ne devrions jamais supposer leurs besoins et plaquer nos solutions. Il nous faut avancer ensemble pour que le futur soit un peu meilleur que le présent. Ou en tous les cas, pas pire.