J’étais étudiant, j’ai eu un diplôme en administration logistique et transport, et un autre en conduite d’engins. Je cherche du travail et je n’en trouve pas, alors, au lieu de rester sans rien faire, je fais du bénévolat.
Pendant quatre ans, je suis venu à l’accueil de jour Solférino de l’Abej. J’étais dans la rue quand j’ai fait mes formations et je venais ici pour me réchauffer, me connecter, charger mon téléphone, boire un café, manger. Maintenant, je suis en colocation. J’ai demandé si je pouvais être bénévole. J’ai eu un rendez-vous avec la référente, on a discuté, et depuis, je suis là.
C’est dans mes veines d’aider les gens. Je peux pas voir quelqu’un dans le besoin, plus malheureux que moi, sans l’aider. J’ai toujours été comme ça, depuis tout petit. Mes parents aidaient des personnes qui souffraient, j’ai grandi avec des enfants dont je ne connaissais pas les parents, que ma famille accueillait. Ma mère leur a donné une bonne éducation, j’ai toujours vu mes parents s’occuper de personnes en difficulté.
J’étais content quand on m’a dit que je pouvais faire du bénévolat à l’accueil de jour. J’ai fait des propositions de nouveaux jeux de société, on a modernisé un peu l’espace. J’ai été de permanence au bar deux fois par semaine, on sert du café, du thé, de la soupe de légumes. Je parle avec les gens. Il y a des toxicomanes qui ont besoin de quelqu’un pour les réconforter, pour les écouter.
Il faut avoir le temps pour écouter et moi, j’ai le temps. J’essaie de leur faire comprendre certaines choses, ce qui est bon pour eux et ce qui est pas bon.
Si on laisse les personnes qui vivent dehors livrées à elles-mêmes, malheureuses, ça continue et ça devient pire. Mentalement, quand on laisse quelqu’un tout seul, c’est pas bon. Il faut un autre pour parler, pour écouter, pour échanger des idées. Je vais à la rencontre des gens pour les écouter. Dans la rue aussi. C’est très important de pouvoir écouter, je fais de mon mieux.
Quand tu fais du bénévolat, tu rencontres des gens qui vivent des choses que t’as jamais vécues, on parle, c’est enrichissant. Et quand quelqu’un a vécu ce que tu vis, là où ton ami est tombé, ça peut t’aider à éviter de tomber toi aussi. C’est plus facile pour moi d’entrer en contact avec les gens et de les aider parce que j’ai vécu dehors comme eux, je sais ce qui se passe dans leur tête, parce que moi j’ai eu les mêmes choses qui sont passées dans ma tête. C’est très important de se sentir compris.
Il y a des personnes qui sont vraiment dans la misère et qui ne prennent pas soin d’elles. Il faut quelqu’un qui les pousse, qui leur dise ce qui est bien pour elles. Certaines refusent catégoriquement de se laver et après, à force de discuter avec elles, je les vois se diriger vers la toilette. J’essaye de comprendre un peu comment ça se passe pour elles, et je les oriente vers la personne qui peut les aider. Certaines ont honte d’affronter directement les gens de l’Abej, je les accompagne pour qu’elles expliquent leurs problèmes. C’est dur de parler de soi, on préfère tout garder à l’intérieur. Il ne faut jamais juger, je ne juge jamais personne. Il faut mettre les gens en confiance.
On a un projet de journal pour l’Abej et, en ce moment, je travaille sur le projet. J’écoute les personnes accueillies qui s’expriment, ça me plaît beaucoup. Je viens à peu près trois heures par jour. C’est important pour moi d’être bénévole, c’est valorisant.