Chemise blanche, cravate noire resserrée, une bibliothèque en fond. Le Premier ministre, François Bayrou, n’est pas en vacances, ainsi qu’il l’a démontré dans une vidéo publiée mardi 5 août sur YouTube et rediffusée en tant que podcast sur Deezer et Spotify. Le premier épisode d’une série d’un « nouveau format » permettant au locataire de Matignon « de continuer à partager et échanger, régulièrement, avec les Français », précise la légende sous la vidéo. « Un canal de communication directe » dont le chef du gouvernement profite pour aborder la situation budgétaire du pays. Un sujet qui suscite de nombreuses oppositions depuis l’annonce des contours du projet de loi de finances le 15 juillet dernier avec à la clé des mesures d’austérité pour trouver quelque 43,8 milliards d’Euros d’économie.

Un « effort supportable et choisi »

Ce mardi, le chef du gouvernement est donc apparu à 17h dans une vidéo d’environ huit minutes dans laquelle il a rappelé « la nécessité de désendetter le pays ». « Je voudrais partager avec vous […] la nécessité qui est devant nous, qui pèse sur nos épaules et que nous ne pouvons mettre de côté », a commencé sobrement François Bayrou. Celui-ci a rappelé « la gravité des difficultés » qui attendent le pays et notamment le chiffre de la dette : 3 400 milliards d’Euros.

« Nous sommes menacés par un mal auquel nous n’échapperons pas si nous ne sommes pas courageux. Ce mal, vous le connaissez dans toutes vos familles, c’est le surendettement », a expliqué, grave, le Premier ministre, demandant aux Français « des efforts ».

« Le gouvernement a proposé un plan pour dire ça ne peut pas durer comme ça. Il y a des efforts à faire. Ces efforts sont supportables par un pays qui décide de reprendre son destin en main et de ne pas se laisser couler », a-t-il ainsi prévenu. « Mais si ces efforts sont refusés, alors nous vivrons des moments qui sont des moments que beaucoup de pays autour de nous ont vécus et qui exigeront par force des sacrifices qui seront beaucoup plus importants que les efforts que nous avons à faire aujourd’hui », a poursuivi le chef du gouvernement. « Ma certitude, c’est qu’il n’y a pas d’autre chemin que cet effort supportable et choisi », a-t-il finalement conclu.


Des réactions mitigées

Un effort de communication qui n’est pas passé inaperçu dans les médias qui en ont abondamment parlé. Plusieurs ont ainsi interrogé des spécialistes de la communication afin de comprendre l’impact de ce mode d’adresse publique sur les Français.

Dans les colonnes de la Dépêche, le spécialiste en communication de crise et président-fondateur de l’agence LaFrenchCom, Florian Silnicki, accuse la vidéo de « sonner faux » et l’exercice d’être « truffé de contradictions ». Concrètement selon le communicant, François Bayrou indique vouloir parler directement aux Français tout en choisissant un mode de communication « unilatéral » , soit « une vidéo enregistrée, écrite à l’avance, sans contradiction ». D’autant plus que les commentaires sous la vidéo ont d’abord été désactivés avant d’être réautorisés. Or, « la communication politique mérite mieux […] que de tels monologues et des commentaires désactivés », fustige Florian Silnicki.

Celui-ci déplore également que ce format serve au chef du gouvernement à « occuper l’espace vide » de l’été afin de ne « pas subir les plateaux télé hostiles, mais de fabriquer son propre studio et d’y poser les règles du jeu ». Une analyse partagée par l’expert en communication politique Gaspard Gantzer qui pense « que les Français sont sur autre chose en ce moment », assène-t-il à l’antenne de Télématin. « Ils n’ont pas envie qu’on leur explique à quel point c’est une bonne nouvelle et une bonne chose qu’ils gagnent moins d’argent et qu’ils payent plus d’impôts », poursuit-il par ailleurs.


Côté politique, les critiques ne se sont pas fait attendre. Le député de la France Insoumise, Hadrien Clouet, a dénoncé les propos de François Bayrou au micro d’Europe 1 ce mercredi. « En huit minutes, il a réussi à mettre deux mensonges qui sont inacceptables », a indiqué l’élu évoquant « les cadeaux fiscaux faits à des ménages très riches » ainsi que « la charge de la dette, c’est-à-dire combien on consacre de nos richesses au remboursement » qui « baisse tous les ans », explique le député.

Son collègue du Modem, Erwan Balanant, proche du Premier ministre, a quant à lui salué sur RMC l’initiative estimant que ce format « permettra à chacun des Français d’écouter cette vision de François Bayrou autour de la dette, qui est partagée par beaucoup d’économistes et de la confronter à leurs idées ».