Valentine Marchac Fonkenell, la CNV a-t-elle été une révélation ?
Oui, elle a transformé ma vie. Au cœur du conflit, j’ai lu Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) de Marshall Rosenberg1 , et j’ai trouvé ça brillant. Je suis partie ensuite en stage en Belgique, et en suis revenue bouleversée, me demandant pourquoi je n’avais pas connu la CNV plus tôt ! J’ai vécu une rencontre avec moi-même et perçu des perspectives incroyables dans ma relation aux autres. J’ai enchaîné les stages et les groupes de pratique et, aujourd’hui, je suis un parcours de certification pour transmettre ce que j’ai appris.
La CNV est un chemin de vie. Elle nourrit des relations de qualité. Quand je parle de ce qui se passe pour moi, je n’essaie pas de convaincre mais de cultiver la qualité de la relation. Quand chacun entre en contact avec son besoin fondamental et l’exprime, une solution cocréée peut émerger. Mais, avant d’apprendre à communiquer avec l’autre, j’apprends à communiquer avec moi-même, cela me permet d’agir en conscience : d’être libre.
J’étais dans une impasse au moment où j’ai découvert la CNV. Dans le conflit, ma réaction habituelle était de m’effacer pour conserver la relation ; mais dans cette crise familiale, je ne pouvais plus garder le silence. Je ne voyais pas d’autre solution que d’agresser. Or, je n’avais pas envie de faire ce choix. La CNV m’a montré une autre voie : je suis responsable de mes propres émotions, l’autre en est l’activateur mais ce qui se passe en moi m’appartient. La première réponse est souvent la violence ; mettre de la conscience puis des mots sur ce qui se passe pour moi est le premier pas avant de me mettre en lien avec l’autre.
La CNV a grandement développé ma spiritualité. Quand je suis à l’écoute de moi-même, je me sens connectée à beaucoup plus grand. Et je suis plus disponible pour les autres.
Utilisez-vous la CNV sur le plan professionnel ?
Avec mes patients aussi, je fais le choix d’être en lien plutôt que d’essayer de convaincre. Je pratique l’écoute empathique : accueillir l’autre sans jugements. Et puis, j’ai appris à m’aimer et à me respecter : je ne peux donner que ce que j’ai. Je me ménage, me réserve des espaces pour souffler, m’écouter. Quand je sens de la violence envers moi, les autres, je prends le temps pour trouver le besoin non nourri et le transformer : la violence « réflexe » sort plus rarement.
Si un patient est en retard de vingt minutes par exemple, je peux m’énerver, ou chercher le besoin en jeu : celui de faire bon usage de mon temps ; je peux choisir, apaisée, d’ouvrir mon courrier ou de passer quelques coups de fil.
La CNV est-elle pratiquée dans le milieu médical ?
Il y a un travail énorme. Le soignant a une posture complexe car il a une position de pouvoir avec des gens qui sont en vulnérabilité. J’ai participé à la création de la branche de la CNV pour la santé2 , un DU3 de communication non violente vient d’être créé4, le FAF5 propose des formations… la CNV prend son essor.
Elle est une invitation pour chacun, à la portée de tous6 . Du personnel médico-social, pénitentiaire, des enseignants, des familles… Elle est « une philosophie, un art de vivre qui nous conduit à revisiter nos habitudes et à être responsables de nos actes ; elle […] peut changer notre façon de communiquer avec l’autre7 . »
1 Marshall B. Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), La Découverte, Paris, 1999.
2 Association Cap CNV Santé, https://capcnvsante.com
3 Diplôme universitaire.
5 Fonds d’assurance formation
7 Véronique Gaspard, « Soyons responsables de nos émotions », La Croix, 21 avril 2020.