«La solitude est aujourd’hui un phénomène massif» et si la solitude forcée provoquée par le confinement a d’abord été une solitude «de peur», elle a pu aussi être l’occasion d’une prise de conscience, puisque «le seul antidote à l’angoisse, paradoxalement, s’appelle: la relation». À la suite du Christ qui a vécu jusqu’au bout toute «la tension entre la solitude humaine et la présence divine», notre condition de chrétiens nous pousse aussi bien à «vivre seul que vivre en communauté», nous tenir face à nous-mêmes èdevant Dieu, et aller vers les autres dans l’amour».

L’expérience du confinement est pour beaucoup une expérience de solitude. Pour toutes les personnes qui vivent d’ordinaire seules dans leur logement, l’impossibilité d’en sortir, sauf furtivement, sur un mode extrêmement cadré, et en s’interdisant toute rencontre, représente une exacerbation de la solitude. Rares sont celles pour qui le confinement ne change absolument rien à leur style de vie. La solitude confinée peut relever d’une solitude absolue, tandis que la solitude vécue en-dehors des périodes de confinement est relative. Il convient donc de prendre la mesure de ce qu’est la réalité de la solitude dans notre société aujourd’hui, avant d’interpréter l’écart qui se manifeste entre la solitude confinée et la solitude déconfinée, et de chercher à imaginer comment l’une peut aider à convertir l’autre. Ces réflexions se nourriront d’un succinct parcours biblique et d’un bref éclairage théologique.

1) La solitude dans notre société

La solitude est aujourd’hui un phénomène massif. Un grand nombre de personnes vivent seules, notamment des personnes âgées, qui étaient autrefois prises en charge par leurs enfants, leur communauté, et elles souffrent généralement de ce sentiment d’abandon. Mais bien d’autres personnes, au lieu de subir la solitude, choisissent de vivre en solo et assument pleinement ce choix de vie. Qu’on la subisse ou qu’on la choisisse, la vie en solitaire est un état qui concerne pratiquement tout le monde à un moment ou à un autre de son existence, au début de sa vie adulte (en tant que célibataire), au milieu de sa vie adulte (en tant que séparé ou divorcé, puisqu’un mariage sur deux aujourd’hui conduit à une rupture), ou encore à la fin de sa vie (en tant que veuf ou veuve).

Ces trois situations sont évidemment très différentes, mais elles ont en commun de conduire chaque personne à être (provisoirement ou définitivement) face à elle-même dans la vie quotidienne : face à elle-même en se levant le matin ou en se couchant le soir, face à elle-même pour prendre ses repas, face à elle-même pour ses activités de loisirs (si tant est qu’elle ait une activité professionnelle qui la mette en relation avec d’autres). Elle n’a pas à délibérer avec qui que ce soit pour prendre des décisions, elle n’a de compte à rendre à personne, elle n’a qu’à faire l’effort de s’entendre avec elle-même (ce qui ne va pas forcément de soi…) Faut-il le déplorer? Faut-il s’en réjouir? Faut-il cultiver la nostalgie de la communauté perdue et du couple perpétuel, des solidarités autrefois fortes au sein des familles et des villages? Ou faut-il au contraire voir la vie en solo comme une occasion de faire preuve d’autonomie, donc de maturité et de capacité à être pleinement soi-même? Et qu’est-ce que l’épreuve de confinement, qui fait de la solitude, même choisie, une solitude hyperbolique, nous en dit?

Pour proposer un éclairage sur ces questions, nous nous tournerons tout d’abord vers l’enseignement biblique. Le donné scripturaire nous parle de solitude et de vie commune, et il nous en parle peut-être d’une façon inattendue, surprenante, et donc décapante et stimulante. Ce parcours biblique ne s’interdira d’ailleurs pas quelques pas de côté, afin de le mettre en perspective.

2) Parcours biblique

Avant de parler de la solitude de l’homme, la Bible nous parle de la solitude de Dieu, ou plus exactement d’un Dieu qui sort de sa solitude. La Bible commence par la  […]