Les éleveurs laitiers et viande sont en crise. Sont affectés les éleveurs bovins, porcins de volailles et dans une moindre mesure ovins. Mais cette crise exacerbée par l’embargo russe et la sècheresse de cet été, n’est pas conjoncturelle, elle est structurelle. Les mesures prises par le gouvernement sont des facilités de trésorerie qui ne résoudront rien. Le problème est ailleurs : les prix de vente d’une majorité de denrées agricoles sont inférieurs à leurs coûts de production. Comment un acteur économique peut-il vivre en vendant sa production moins chère qu’il ne lui en coûte de la produire ? Grâce à des subventions, à la baisse, crise oblige. Paperasse, contrôles, autant de temps perdu pour les fonctionnaires et les agriculteurs.

La violence préférée à la solidarité 

Les manifestants du bruyant syndicat agricole, FNSEA, ont désigné d’une part, la grande distribution pour ses prix bas et ses importations, et d’autre part, les camions allemands et espagnols, pour concurrence déloyale. Alors c’est la faute à qui ?

Le président de la Fédération des éleveurs bovins (FNSEA) a eu beau dire que les plupart des enseignes de la grande distribution ont enfin compris qu’elles ont intérêt à préserver une production agricole française de qualité, en mettant en place des filières de qualité avec les éleveurs, les hypermarchés restent un bouc émissaire passe-partout. En tout cas, une cible bien plus accessible que les industriels (Sodebo, Lactalis, Bigard…), principaux clients des agriculteurs, qui en pratique, fixent les prix d’achat aux éleveurs. Mais alors pourquoi la coopérative, Cooperl, qui par nature appartient aux éleveurs, refusait mi-août de fixer un prix (viable) à ses propres actionnaires fournisseurs ? Au risque de les voir faire faillite.

À juste titre, les agriculteurs allemands et espagnols regrettent le comportement de leurs confrères français. Car eux aussi sont dans la même situation, ils ont certes des coûts de main d’œuvre moindre, mais également des prix d’achat plus faible. À la solidarité paysanne européenne, les Français ont préféré la rage et le repli, peu constructifs pour résoudre une crise structurelle.

Et la responsabilité du consommateur et du paysan 

À chacun des bouts de la chaîne alimentaire il y a des paysans et des consommateurs. Au milieu les industriels et les distributeurs s’adaptent, en fonction des exigences du consommateur final ; le maillon faible étant bien sur le premier, l’agriculteur.

Certains agriculteurs et un syndicat agricole minoritaire (Confédération paysanne) expérimentent ici et là, des circuits courts et des modèles herbagers moins onéreux en coûts de production. Ces modes de production, d’ailleurs plus respectueux de l’environnement, démontrent chaque jour qu’il existe d’autres façons de vivre de l’agriculture. Certes, ces solutions ne résoudront pas la crise pour tous les agriculteurs. Car le consommateur a sa part de responsabilité. Il faudrait lui faire comprendre que depuis des décennies, il ne paye pas son alimentation à son coût réel.

Les explications médiatiques et les efforts pédagogiques des paysans ne manquent pas, les consommateurs sont au courant ; bien que quelques améliorations sur l’étiquetage des produits seraient encore nécessaires. Quand useront-ils de leur pouvoir d’achat citoyen ? Grande distribution, industriels et agriculteurs produiront ce que les consommateurs seront prêts à acheter quand leurs demandes écologiques, sociétales, nutritionnelles et financières seront cohérentes. En attendant qu’ils restent coincés dans les barrages et que les agriculteurs laissent leurs confrères européens et la grande distribution travailler !