Le maire Europe-Écologie-Les Verts de cette commune de 23 500 habitants, qui compte 28 % de demandeurs d’emploi et 33 % de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, a fait de Grande-Synthe une ville en transition, démocratique, écologique et économique pour faire gagner aux habitants du « pouvoir de vivre ». C’est lui qui, en 2016, a permis l’installation, avec l’aide financière et matérielle de Médecins sans frontières, d’un camp humanitaire aux normes des Nations Unies pour les migrants, dont la plupart souhaitaient rejoindre l’Angleterre. Ce camp a accueilli jusqu’à 2 500 personnes, avant d’être détruit. Aujourd’hui, Damien Carême a ouvert un gymnase et installé des tentes pour 550 personnes en errance. « Je n’ai jamais eu de réactions négatives de la part des habitants et ce, bien que Grande-Synthe ait contribué financièrement à l’aide apportée. J’ai expliqué en amont la situation. En tant que maire, je ne suis pas tenu d’obéir à un ministre mais à des lois qui m’empêchent de laisser des personnes vivre dans des conditions insalubres ou des enfants ne pas aller à l’école. »

Pas de sacrifices mais de nouvelles orientations

En janvier, lors de ses vœux, le maire a annoncé mettre en place dans sa commune le revenu minimum social garanti. Il ne s’agit pas en fait d’un revenu mais d’une aide sociale différentielle pour les personnes ayant moins de 855 euros par mois. Pour 2018, ce dispositif devrait coûter entre un million et un million et demi d’euros puis deux millions d’euros par an. « Pour trouver l’argent nécessaire, nous baissons fortement les dépenses de fonctionnement. Par exemple, nous allons passer de 7 000 points lumineux à 4 000, avec des éclairages LED. Nous n’avons pas besoin de faire des sacrifices parce que nous faisons les choses autrement et cherchons les financements ailleurs. »

« Le rôle du maire est selon moi de prendre soin de ses habitants »

Pour Damien Carême, maire depuis dix-huit ans, la réponse sociale est écologique avant tout. La Ville a permis l’installation de maraîchers pour favoriser les circuits courts de consommation. À travers son université populaire, 800 foyers ont été formés à la fabrication de produits cosmétiques et d’entretien, des habitants font pousser leurs légumes autour de jardins partagés, etc. « Chez moi, il n’y a pas de SDF, pas d’expulsion locative, pas de coupure énergétique. On travaille en amont avec les personnes. Le rôle du maire est selon moi de prendre soin de ses habitants, d’avoir une relation de confiance avec eux et qu’ils puissent être acteurs de leur vie et du changement. »

Le chantage économique Damien Carême estime que les gens sont prêts à changer de modèle de société mais que les élus sont « très en retard ». « Les élus manquent de courage politique et sont à genoux devant le pouvoir économique. Ce sont les industries agroalimentaires, énergétiques, pharmaceutiques, etc., qui font la loi. » L’édile déplore le chantage économique. Il prend ainsi en exemple la gestion du service d’eau de la communauté urbaine, dont il est élu, et qui est assurée par la Lyonnaise des eaux. «  Je souhaite que nous reprenions cette gestion en direct mais l’entreprise nous dit que si nous faisons ça, elle devra supprimer soixante emplois. Or, les emplois ne sont pas supprimés comme ça, il y a des lois qui protègent les salariés. Notre société est en train de crever de ça. » Aujourd’hui, Damien Carême vise les prochaines élections européennes. « L’Europe devrait davantage s’appuyer sur les collectivités. Je souhaite porter mes combats au niveau européen, en étant toujours sur le terrain. J’ai encore beaucoup d’énergie. »