Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) présente ce mercredi 23 octobre son rapport annuel sur l’état de la France. Le dossier se double d’un sondage Ipsos dévoilé par Le Parisien. Il s’intéresse tout particulièrement au rapport des Français à la démocratie. Autant dire que ses résultats sont effrayants. En effet, 51% des Français estiment que « seul un pouvoir fort » peut garantir l’ordre et la sécurité. Et 23% des répondants ne voient pas en la démocratie le meilleur système politique existant. Une part qui grimpe à 31% si l’on zoome sur les moins de 35 ans. Ces résultats s’expliquent en partie par le fait que 76% des sondés jugent que le personnel politique est « déconnecté des réalités des citoyens ».

Interrogé par le quotidien, Thierry Beaudet, président du CESE, insiste sur le fait qu’il faut prendre les résultats de l’étude très au sérieux. « L’enjeu, c’est d’enrayer la tentation des régimes autoritaires », alerte-t-il. « Déjà minoritaire, la part de la population mondiale vivant dans des régimes démocratiques diminue d’année en année », rappelle-t-il. Justement, le sondage met en lumière un profond sentiment d’inégalité ressenti par les Français. Ce qui nuit à leur adhésion à la société. « Économiques, sociales, territoriales, générationnelles, entre hommes et femmes, entre familles monoparentales et les autres, etc., les inégalités apparaissent partout », décrit Claire Thoury, sociologue et rapporteure de l’enquête.

Une impression déjà ressentie par les Gilets jaunes

La situation est telle que 24% des 1 001 personnes interrogées affirment ne pas avoir l’impression d’appartenir à la société française. Une idée déjà soulevée par les Gilets jaunes, dont la colère persiste. Pour contrer ce phénomène, « il faut mener la bataille de la proximité, on ne règle pas les problèmes uniquement au plan national », encourage Thierry Beaudet. S’appuyant sur l’exemple des difficultés d’accès aux soins rencontrées entre La Flèche et Sablé, dans le département de la Sarthe, il indique que l’élargissement du numerus clausus des médecins ne suffira pas à régler le problème. « C’est en travaillant avec les acteurs locaux, élus, associations, etc., qu’on pourra y arriver », reprend le président. Pour lui, il est nécessaire d’avancer territoire par territoire, pour prendre en compte les spécificités. Autre impératif : l’association de tous les sujets touchant à l’organisation de l’État et à la vie des citoyens.

Lors de la réalisation de l’enquête, il a également été demandé aux répondants comment améliorer le fonctionnement de la démocratie. Là encore près d’un quart d’entre eux (24%) ont dit qu’« il faudrait plus écouter les gens et prendre en compte leurs préoccupations », indique Claire Thoury.

L’immigration, une priorité pour 18% des sondés

Si après la crise des Gilets jaunes, Emmanuel Macron avait lancé un grand débat national, les millions d’initiatives et remarques citoyennes n’ont jamais été prises en compte. Un temps pressenti par le chef de l’État pour devenir Premier ministre, Thierry Beaudet entrevoit un espoir dans la proposition de Michel Barnier de mettre en place une journée annuelle de consultation citoyenne. Et ce, dans chaque commune. Ex-présidente de la convention citoyenne sur la fin de vie, Claire Thoury pense que cela permettrait de redynamiser la démocratie française. « Il y a une appétence des gens pour participer, contribuer à construire les décisions sur les sujets qui les concernent », confirme la sociologue.

Mais si les citoyens doutent des politiques, souligne le rapport, cela tient également au sentiment que les gouvernements ne traitent que des dossiers urgents. Si bien que la situation économique de la France fait partie des principales préoccupations des répondants (28%) avec le pouvoir d’achat (34%) et la santé (40%). L’immigration, elle, est une priorité pour 18% des sondés, loin derrière les questions d’environnement (22%) et la situation politique (24%). Ces résultats font dire à Thierry Beaudet qu’« il faut que les responsables politiques changent de culture et de pratiques, le citoyen ne peut être réduit à l’électeur ».