Une telle suspension est désormais possible, et ce grâce à la loi d’août 2021 confortant les principes de la République. Cette loi a introduit une grande nouveauté : l’obligation pour les associations loi 1901 de signer un contrat d’engagement républicain (CER), par lequel elles s’engagent « à respecter les principes de liberté, d’égalité, notamment entre les femmes et les hommes, de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine et de sauvegarde de l’ordre public ». Dans son plaidoyer de février 2021, la FPF soulignait que le CER « menace la capacité de plaidoyer et d’action des associations « 1901 » en subordonnant le versement de subventions publiques au respect de « la sauvegarde de l’ordre public ». Cette formulation floue fait craindre que leurs contestations de certaines politiques publiques ne soient jugées par les décisionnaires comme s’opposant à l’attribution de concours financiers dès lors qu’elles mettent en cause l’ordre établi. Ce risque est plus avéré encore au regard de certaines formes d’engagement vite requalifiées en délits, notamment dans le domaine de l’exclusion et de l’accueil de l’étranger. La FPF plaidait alors pour que le gouvernement remplace l’expression « sauvegarde de l’ordre public » par celle d’atteinte à la sûreté publique ».
Taire les alternatives
Cette menace de retrait des subventions n’est pas qu’une épée de Damoclès flottant au-dessus des associations loi 1901. La menace s’est concrétisée en septembre dernier. L’association Alternatiba en a fait les frais. La préfecture lui reproche d’avoir organisé des formations à la « désobéissance civile » lors du Village des alternatives qui s’est tenu à Poitiers. La mairie a engagé depuis un bras de fer juridique, dont l’issue positive n’est pas certaine. Après Alternatiba, la LDH donc. Et après ? La Cimade ? L’Acat ?
Une parole libre
Alors que des liens empêchaient ses mouvements, Paul disait à Timothée : « La Parole de Dieu, [elle], n’est pas liée ! » Une manière de dire que l’homme ne peut se saisir de l’insaisissable. Certes. Mais il n’en est pas de même des paroles humaines. Bien des exemples nous ont montré que les gouvernements pouvaient museler la parole de ceux qui dérangent, et notamment celle de ceux qui plaident pour plus de justice, plus de droits. Ce fut le cas de tous ceux qui incarnaient la solidarité, à l’image de Cédric Herrou, quand elle était un délit. Il faut qu’eux aussi puissent bénéficier d’une parole libre, sans conditions, dans la mesure où leur parole ne cautionne en aucun cas la violence et ne porte pas atteinte à l’autre.
Par Bertrand Vergniol, Andrew Rossiter, Joël Dahan et Christophe Jacon, pastorale de la Dordogne
En mars dernier, au sénateur LR du Tarn-et-Garonne, François Bonhomme, qui estimait qu’il fallait « cesser de financer des associations qui mettent en cause gravement l’État », dont la LDH, Gérald Darmanin a répondu : « Effectivement,ça mérite d’être regardé. »