J’avais à peine dix ans lorsque j’ai été choisie comme « sizenière », c’est-à-dire responsable d’une petite équipe de six enfants, âgés de huit à onze ans, aux Éclaireuses et éclaireurs unionistes de France. Parmi les souvenirs marquants de cette période, j’ai en mémoire un concours culinaire où nous avions préparé un repas seuls – dont la gestion de la cuisson en pleine nature… Plus tard, entre douze et quinze ans, nous avons effectué des randonnées de trois jours, des explorations, en petite équipe de six adolescents, sur les routes de France. Nous avions une somme d’argent et devions nous débrouiller pour trouver un lieu où dormir, faire nos courses, nous organiser pour les repas, le coucher, les temps de marche, et être ponctuels aux points de rencontre prévus avec nos responsables… Sans adulte, donc. 

Le droit à l’erreur s’exerce

Des projets de grande envergure de seize à dix-huit ans, puis la responsabilité, à peine adulte, d’un groupe de trente enfants ou adolescents pour un camp… À vingt et un ans, j’étais directrice de camp, à vingt-deux, trésorière régionale, puis cadre nationale dans l’association.

À chaque étape, ma confiance renouvelée, pas après pas ; j’ai toujours été accompagnée et, en cas d’erreur, recadrée, étayée, soutenue. Mon sens de la responsabilité et mes compétences se sont renforcés. Aux EEUdF, le droit à l’erreur s’exerce ; il laisse la possibilité d’apprendre à se relever après une chute. Tomber sept fois, se relever huit, dit le proverbe…

Pas d’éducation à la responsabilité sans prise de risque

L’apprentissage de la responsabilité par son expérimentation même, et l’éducation par le jeu, font des enfants éclaireurs des adultes engagés, responsables, ayant le goût de l’aventure. Mais cette éducation est conditionnée à l’acceptation de la prise de risque inhérente à l’expérimentation. Je crois que nous pouvons parler d’un apprentissage du risque. Il passe par une mise en tension entre le danger et la protection, la prise de risque et le développement de la capacité d’autonomie.

Lorsqu’on a la responsabilité de personnes dites « vulnérables » (mineurs, personnes en situation de handicap, etc.), on se pose souvent cette question : comment protéger les personnes pour assurer leur sécurité physique, affective, morale, tout en garantissant l’exercice de leurs droits, le développement de leur autonomie et leur émancipation ? Nous sommes responsables de leur protection mais aussi de leur accès à l’autonomie et de leur inclusion, dans le respect de leurs singularités.

Accorder sa confiance et faire grandir 

Endosser la responsabilité de laisser prendre un risque à l’autre, c’est aussi lui accorder sa confiance et le faire grandir. À chaque échelon, la confiance s’exerce : de l’enfant de onze ans qui montre au plus petit de huit ans comment râper sa carotte, puis lui donne l’épluche-légumes, jusqu’au responsable qui laisse partir en « exploration » une équipe de six adolescents, en passant par les cadres qui valident.

L’association veille à respecter les textes de loi et s’adapte aux contraintes imposées. Sa réponse institutionnelle donne corps à la prise de risque, véritable étendard face à l’obsession sécuritaire alimentée par la peur. Chacun fait sa part : application des règles, respect des protocoles, questionnement sur le sens de cette prise de risque, pour un même but : grandir et faire grandir.

Comme le stipule notre projet éducatif, il faut oser rêver, risquer d’agir, grandir en autonomie, s’émanciper pour un monde meilleur, chacun à sa modeste échelle et toujours « de son mieux »… 

Marie-Pascale Delrieu, cadre nationale aux EEUdF et cheffe de service éducatif à l’ASVMT (1) Chartreuse de Valbonne

1 Association de secours aux victimes des maladies tropicales