Ces exclus de l’informatique n’étaient pas seulement issus de milieux familiaux défavorisés ne disposant parfois – au mieux – que d’un smartphone. Léa, bonne élève, n’avait pas d’ordinateur pour travailler chez son père parce qu’il ne possédait pas encore de box. Les parents de Naïm, Arthur et Laïna, en télétravail, ne pouvaient libérer leurs ordinateurs pour les mettre à disposition de leurs enfants. Bien sûr, les établissements scolaires dupliquaient sur papier le travail à faire. Certes, ces élèves venaient le chercher chaque jour. Mais le papier ne pouvant pas remplacer les ressources en ligne, ils étaient indiscutablement pénalisés.

La frénésie du numérique n’a duré que le temps du confinement. Les enseignants ont constaté que les élèves, notamment les plus jeunes, ne sont pas assez formés à ces outils. Ils ne savent pas ce qu’est une application, ils ignorent comment nommer, classer et enregistrer leurs documents, où « rendre » leur travail au professeur… Si leurs élèves étaient mieux formés, les enseignants pourraient élargir leur champ d’activité. Or cette formation ne repose actuellement que sur les professeurs de technologie, ce qui est insuffisant.

Les enseignants manquent aussi de formation car les applications pédagogiques changent très vite ou peuvent être soudainement interdites à l’utilisation sans qu’ils en soient informés. Il n’y a rien dans les outils utilisés par l’école numérique qui soit abêtissant pour les élèves. Et on ne peut pas priver la majorité des apprenants d’une culture numérique infiniment riche parce que l’on risque de perdre un petit pourcentage d’entre eux. Le numérique ouvre la classe à de nouvelles pratiques pédagogiques dont l’école ne peut ni ne doit se priver.

Stéphane Lombardo, enseignant du second degré et fervent utilisateur du « eTwinning », propos recueillis par Édith Tartar Goddet, présidente de l’ap2e (Association protestante pour l’éducation et l’enseignement)