Lorsqu’il refuse les soins, le résident signifie quelque chose qu’il s’agit de décrypter. Les observations des soignants, la famille, peuvent apporter des éléments de réponse. Les raisons du refus sont multiples : médicales, liées au moment ou à la manière dont le soin est réalisé, résulter d’une souffrance physique ou morale, du déni des troubles…

Contrainte et bientraitance sont incompatibles

Madame P. est une maîtresse femme. Elle ne voulait pas entrer en Ehpad. Elle devient agressive verbalement et physiquement en cas d’insistance lors des soins. Les refuser, c’est nier son vieillissement, son corps dégradé, souillé, douloureux, sa dépendance et sa déchéance. Elle réaffirme ainsi son identité et conserve sa dignité. Elle veut rester la femme qu’elle a été. Elle tient à être regardée comme un sujet et non comme un objet de soins. Entendre son besoin conduira à communiquer autrement avec elle, contribuera à l’apaiser et à faciliter son acceptation.

Il arrive que l’équipe soignante soit dans une impasse. Le danger est alors la tentation de la contrainte, pour pallier l’échec de sa mission : porter assistance. Un dilemme se joue entre le libre choix de la personne et sa protection. Faut-il imposer un soin ? Les troubles cognitifs peuvent-ils disqualifier la décision du sujet ? Demeure-t-on bientraitant sans consentement ?

La loi Kouchner du 4 mars 2002 autorise une personne à refuser un soin. C’est un droit et une liberté fondamentale. Son consentement est recherché, même en présence de troubles cognitifs. Ainsi, être bientraitant apparaît incompatible avec la contrainte car celle-ci rompt la communication, crée de l’agressivité, une souffrance de part et d’autre, l’aggravation de la situation.

Le professionnalisme des soignants n’est pas contesté

Accepter le choix d’un résident ne présuppose pas son abandon. Au contraire, c’est l’occasion de le remettre au centre de la réflexion soignante. Il est primordial de s’assurer de sa bonne compréhension de la situation et des conséquences de son choix. Son refus et les tentatives de négociation seront inscrits dans son dossier médical. Les craintes de certains professionnels d’être accusés de non-assistance à personne en danger seront écartées. Il s’agit aussi d’écouter le résident pour maintenir le dialogue, créer une relation de confiance, formuler d’autres propositions, limiter la confrontation.

Le professionnalisme des soignants n’est pas remis en cause par le refus de soins. En revanche, ils sont amenés à s’interroger sur la qualité de leur relation à l’autre. Le bon soin, n’est-ce pas celui qui causera le moins de déplaisir au sujet ? En respectant son choix, ils se préservent de la toute-puissance.

Les décisions collégiales, indispensables, n’aboutissent pas toujours à une solution idéale ou immédiate. Parfois, il n’y en a pas. Face à ces situations douloureuses, prendre soin des soignants est essentiel. Des groupes d’analyse de la pratique favoriseront l’expression de leurs difficultés et souffrances. Les réflexions éthiques donneront du sens à leurs interventions. Elles permettront d’évaluer le bénéfice/risque d’une décision, de veiller à ne pas nuire au sujet et à respecter sa décision.