Depuis plusieurs jours, Emmanuel Macron appelle à un « réveil » des électeurs face à la montée de l’extrême droite. Son apparition aux côtés de Valérie Hayer, la candidate de la majorité, est l’objet de critiques de la part, notamment, de l’opposition. Existe-t-il des limites au soutien que peut apporter un président de la République française à un candidat à une élection ? Comme le rappelle franceinfo, pour le moment, son camp est crédité de 16% des intentions de vote lors du scrutin du 9 juin, quand le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen pourrait séduire deux fois plus d’électeurs.

Cet engagement a parfois été reproché à Emmanuel Macron. Certains ont estimé qu’il avait enfreint des règles, comme lors de son discours sur l’avenir de l’Union européenne à la Sorbonne, à Paris, le 25 avril dernier. « La législation n’interdit pas vraiment au président de la République de faire campagne, mais elle veille simplement à ce qu’il y ait le moins de confusion possible entre les fonctions », explique Romain Rambaud, professeur de droit public à l’université Grenoble Alpes, à franceinfo. Et ce, tout particulièrement quand le candidat est président.

La Commission nationale des comptes de campagne saisie

Le spécialiste souligne que « le problème, en droit électoral, est qu’on ne peut pas raisonner en bloc. Il y a presque une réglementation spécifique pour chaque moyen de faire campagne ». Les règles varient selon qu’il s’agisse de moyens audiovisuels, des professions de foi, des réseaux sociaux, etc. Pour ne rien gâcher, les législations se superposent.

Les interventions du président de la République sont scrutées. D’ailleurs, la publication par l’Élysée sur X (ex-Twitter) d’une vidéo d’Emmanuel Macron et de Valérie Hayer s’est soldée par la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Il lui appartiendra de juger s’il y a eu mélange des genres, et ce, même si la vidéo a rapidement été dépubliée. « Pour que ce soit vraiment un problème, il faudrait que ça entraîne le dépassement du plafond [de dépenses légales autorisées], et en général il y a de la marge », commente le professeur de droit.

Des propos « manifestement électoraux » ?

Le discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne a aussi été l’objet de toutes les attentions. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a estimé qu’il s’agissait d’un discours de campagne. Il devrait donc être « intégralement » décompté du temps de parole de la liste Renaissance. « Si les propos du président de la République n’exprimaient pas un soutien explicite à la liste conduite par Mme Valérie Hayer, ils présentaient néanmoins, dans leur intégralité, un lien direct avec l’élection », avait alors estimé l’autorité régulatrice.

La Commission des comptes de campagne doit elle aussi se prononcer sur ce point. Mais, comme à l’accoutumée, elle le fera après le scrutin. Elle dira si, oui ou non, le président Macron a tenu des propos « manifestement électoraux », indique le spécialiste. « Les équipes de campagne peuvent admettre qu’en réalité, c’était manifestement électoral. Si elles le déclarent et que le candidat rembourse ou prend à sa charge la dépense, ce n’est pas illégal », poursuit-il. Indépendantes l’une de l’autre, les deux instances pourraient très bien ne pas être du même avis.

Une réglementation différente pour les affiches et les bulletins

La « propagande électorale » est également encadrée. Certains Français ont déjà reçu des professions de foi. Sur le prospectus de la liste Renaissance, Valérie Hayer et Emmanuel Macron posent côte à côte. « Le seul endroit où ça poserait problème, ce serait sur les bulletins de vote », précise Romain Rambaud. Sur ces derniers, « il ne peut pas y avoir de nom ou de tête de quelqu’un qui n’est pas candidat », comme le précise le code électoral. « Donc vous ne pouvez pas avoir la tête d’Emmanuel Macron, car il n’est pas candidat », illustre le spécialiste. Celles de Marine Le Pen, d’Édouard Philippe, de Jean-Luc Mélenchon ou de François Bayrou pourraient en revanche y figurer. En effet, dès lors qu’ils sont inscrits sur la liste, les partis peuvent « mettre leur tête ou leur nom sur les bulletins ». Un cadre réglementaire qui ne vaut pas pour les affiches électorales.