Inciter les jeunes à voter les 30 juin et 7 juillet prochains. Voilà l’un des objectifs visés par les influenceurs qui s’aventurent sur le terrain politique à la suite du raz-de-marée de l’extrême droite aux élections européennes. Mais ce n’est pas tout : les stars des réseaux sociaux encouragent les milliers voire millions de personnes qui les suivent à faire barrage au Rassemblement national lors des élections législatives, rapporte franceinfo. Parmi eux, il y a ceux qui ont opté pour une mobilisation individuelle et ceux qui se sont groupés.
Ainsi, une soixantaine de créateurs de contenus ont signé une tribune publiée le 13 juin dans Le Nouvel Obs. Ils y appellent à “faire bloc” contre “l’impact et les conséquences du rejet, de l’exclusion et de la haine”. « Nous sommes conscients que l’accession de l’extrême droite au pouvoir serait un péril pour nous toutes et tous, et particulièrement pour les plus vulnérables”. Hugo Tout Seul (plus d’un million d’abonnés sur Instagram), Justine Lossa (139 000 abonnés), Johan Reboul (130 000 abonnés) ou encore Marion Escot (117 000 abonnés) se sont associés à cette démarche soutenue par la chanteuse Pomme et Enora Malagré, ex-chroniqueuse star de Touche pas à mon poste. Ces influenceurs qui parlent habituellement peu, voire pas de politique, ont fait appel à l’agence d’influenceurs engagés Perrine Am. Celle-ci donne des outils aux “créateurs de contenus qui ont envie de parler de politique”, mais “ne se sentent pas légitimes pour le faire”.
“200 personnalités d’internet”
La fondatrice et dirigeante de l’agence, Perrine Bon, aide les stars des réseaux sociaux à promouvoir des contenus de vulgarisation. Ceux-ci appellent au vote ou décryptent le programme du Rassemblement national. Selon Perrine Bon, “plus de 200 créateurs ont manifesté leur intérêt” autour de cette mobilisation. D’ailleurs, une autre tribune a été publiée lundi 17 juin sur le Club de Mediapart. Cette fois, plus de “200 personnalités d’internet” ont appelé à soutenir le Nouveau Front populaire. Un écrit co-signé par Antoine Daniel, Angle Droit, Horty Underscore, Ken Bogard ou mistermv. Pour se faire entendre, le collectif compte se mobiliser du 17 au 28 juin, “en particulier sur Twitch”, en partenariat “avec le collectif SEED (le Stream emmerde l’extrême droite)”.
Léna Situations, elle, s’est fendue d’une story dès le lundi 10 juin. “Je sais que c’est relou de se réveiller un dimanche pendant les vacances, mais c’est tellement important que les jeunes aillent voter !”, a-t-elle encouragé, au lendemain de la dissolution de l’Assemblée nationale. Suivie par 4,6 millions d’abonnés, elle a été plus directe trois jours plus tard. “Votez et dites à vos proches d’aller voter. Contre l’extrême droite. Contre la xénophobie. Contre l’intolérance”, a-t-elle précisé.
“Une certaine forme de courage”
Le 14 juin, Squeezie a posté un long message sur Instagram. Pourtant, jusque-là, il avait toujours refusé de commenter la politique. Changeant d’avis, il a appelé “tous les jeunes qui [l]e suivent” – (19 millions sur YouTube et près de 9 millions sur Instagram) à aller voter et à se mobiliser “contre l’extrême droite et leurs idées”. Une prise de position repérée par Jordan Bardella. Le président du Rassemblement national a critiqué, sur le même réseau social, le fait que “des multimillionnaires répondant à la très noble profession d’influenceur s’engagent ‘apolitiquement’ contre des millions de Français, en copiant/collant les argumentaires aussi grossiers que mensongers de La France insoumise”.
Des exemples parmi d’autres. Pour Alexandre Eyries, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication, “il faut une certaine forme de courage pour s’exprimer sur du contenu politique qui n’est pas son cœur de métier”. Il ajoute : “Certains savent qu’ils vont peut-être s’aliéner une partie de leur communauté, perdre en popularité auprès de ceux qui leur assurent leur train de vie”. En 2020, Omar Sy avait demandé “justice pour Adama Traoré”, dénonçant les violences policières en France dans un appel publié par Le Nouvel Obs. Une prise de position “mal accueillie par une partie des Français, qui lui reprochaient sa déconnexion alors qu’il vit à Los Angeles”, rappelle Alexandre Eyries, interrogé par franceinfo.
“Capables de s’engager”
Cette fois, il pense que les prises de position des influenceurs devraient être mieux perçues. “On [leur] a beaucoup reproché de vendre du rêve, notamment aux plus jeunes, d’avoir un train de vie indécent pour leur âge”. En s’investissant dans le débat politique, “ils se centrent sur la France, leur pays, sur le climat social. Ça les élève. Et ça montre que le numérique ne contribue pas forcément à la dissolution du lien social ou à la perte de l’engagement”, estime-t-il. Ce qui laisse à penser que “les jeunes influenceurs sont tout à fait capables de s’engager quand la situation l’exige”.