Guillaume Monod est psychiatre et intervient dans une maison d’arrêt d’Ile de France. Il décrit ici, au delà du cas particulier des prisonniers islamistes auxquels il a consacré son livre En prison, paroles de djihadistes, son travail quotidien dans un milieu où les troubles psychologiques ne sont pas différents d’ailleurs mais seulement plus nombreux et où souvent, les détenus ont pour la première fois «accès à un soin régulier et professionnel».

Des adolescents aux détenus

J’ai étudié la psychiatrie et la pédopsychiatrie puis travaillé plus de dix ans dans les Hauts de Seine avec une équipe mobile s’occupant d’adolescents, en lien avec l’Éducation nationale (les classes de primaire et secondaire), l’ASE (Aide sociale à l’enfance), la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse), les éducateurs de rue. Il s’agissait d’aider à créer des liens avec les institutions de soin, de mettre en liaison l’évaluation et la prise en charge. J’ai commencé à travailler en milieu carcéral dans le cadre de l’équipe mobile, car je suivais des adolescents qui étaient passés par là, puis j’ai eu des vacations à la Maison d’arrêt de Nanterre.

Début 2015, j’ai arrêté l’équipe mobile et je suis arrivé en Seine-Saint-Denis, comme consultant en CMP (centre médico-psychologique) et à la Maison d’arrêt de Villepinte. Dans les suites des attentats de 2015, on m’a demandé de prendre la responsabilité de la consultation de santé mentale de la Maison d’arrêt. Il y a un petit quartier pour mineurs mais l’essentiel de mon temps est consacré aux majeurs.

Les adolescents et les détenus n’ont pas les mêmes pathologies, ne sont pas suivis par les mêmes institutions, les mêmes services. Pour les adolescents, il y a l’Éducation nationale, l’ASE, la PJJ… et les parents sont toujours là. Pour les majeurs, il y a les SPIP (Services pénitentiaires d’insertion et de probation), et la famille est moins présente. Ce ne sont pas les mêmes difficultés, les mêmes enjeux, les mêmes rapports humains. Ce ne sont pas non plus les mêmes durées d’incarcération.

D’abord la parole

Pour un psychiatre, en prison ou à l’extérieur, le suivi thérapeutique est d’abord basé sur la parole. On peut prescrire des médicaments mais c’est fondé sur des entretiens face à face. Sur mon temps d’intervention, il y a 10% de vraie psychiatrie avec des patients psychotiques ou schizophrènes, des médicaments, une hospitalisation. Et pour 90%, des gens avec qui je discute : des  […]