Et si l’écospiritualité était un concept plus fédérateur que l’écologie ? Une étude récente publiée dans la revue Journal of Environmental Psychology s’intéresse au rapport particulier entre l’être humain et son environnement. Elle se penche sur la façon de mesurer cette connexion, mais aussi la manière dont ce rapport à la nature influence les choix politiques, économiques ou sociaux en lien avec l’environnement, explique Radio Canada. “Lorsque la nature a une importance spirituelle pour les gens, sans surprise, ils veulent la protéger”, commente Matthew Billet, auteur principal de l’étude.

Le doctorant en psychologie de l’Université de la Colombie-Britannique illustre ses propos par un exemple : “Beaucoup de gens trouveraient absurde de démolir Notre-Dame [de Paris] juste pour vendre du matériel de construction. C’est désacraliser quelque chose de sacré pour du bénéfice matériel.” Il ressort également de l’étude que l’existence d’un lien sacré avec la nature ne dépend pas des idées politiques ou religieuses. Pour preuve, les résultats obtenus par l’étude dans le cadre de laquelle des Américains ont été interrogés. 86 % des personnes de tendance conservatrice ont dit avoir des valeurs écospirituelles et 90 % pour celles qui sont de bords plus libéraux.

Atteindre plus de monde

Un consensus étonnant si l’on se fie à leurs désaccords politiques sur le sujet de l’environnement. “Si les gens pensent comme cela, s’ils ont une connexion spirituelle avec la nature, cela peut aller loin, pour générer du soutien ou de l’implication dans des actions collectives”, analyse Matthew Billet.

Frederick Grouzet est professeur de psychologie de l’université de Victoria. Les résultats de l’étude lui font penser qu’il faudrait peut-être promouvoir différemment les décisions pro-environnementales. “L’identité écologique est souvent associée à certains partis politiques, plus libéraux, plus verts. Alors qu’en fait la spiritualité associée à la nature peut se retrouver à travers tous les partis”, précise-t-il. La spiritualité écologique permettrait donc d’atteindre plus de monde, alors que l’identité écologique est plus clivante.

Des sondés de différentes confessions

Pour mener à bien l’enquête, 8 795 personnes ont été sondées au Canada, aux États-Unis, en Angleterre et à Singapour. Les chercheurs ont également pris le soin d’interroger des populations de différentes religions et des personnes athées. Bien entendu, d’autres données ont été prises en compte. Les participants ont dû, par exemple, définir le niveau de bénéfices économiques qui justifierait un projet industriel ayant des conséquences sur la nature.

Il en ressort que malgré les divisions politiques, les libéraux et les conservateurs peuvent être d’accord sur de nombreux sujets liés à la nature, la spiritualité étant l’un d’entre eux. Matthew Billet ajoute qu’en étudiant davantage les points de ralliement, il serait possible de trouver des solutions à des enjeux collectifs beaucoup plus larges liés à l’environnement.

“On fait partie de la nature”

Mais comme l’explique Frédérick Grouzet, l’intégration de ce rapport moral à la nature dans le domaine politique n’est pas simple. Tout est à créer en tenant compte du fait, par exemple, que les cultures occidentales ont tendance à séparer la spiritualité de la politique pour éviter d’y mêler la religion. Pourtant associer une carte spirituelle à la nature ne signifie pas dire être religieux, selon lui. “Beaucoup de cultures font référence à l’idée de l’esprit sain dans un corps sain. C’est un peu la même chose. Si on se rappelle qu’on fait partie de la nature et qu’elle est sacrée, ça nous rappelle qu’il faut en prendre soin”, poursuit le professeur.