Il n’est pas rare que ces pratiques s’attirent des regards réprobateurs, qui les soupçonnent de compromettre l’éthique avec le pire cynisme mercantile. Cette position n’est pas dépourvue d’arguments. Je me propose, dans cet article, d’examiner d’abord ce qu’elle a de justifié. Cela me conduira, loin de discréditer l’association de l’éthique et du management en tant que telle, à suggérer dans un second temps que ce couple peut aller sans hypocrisie. Nous verrons que cela suppose de placer le travail – c’est à dire l’activité – au cœur des préoccupations du management, en lieu et place de la performance.
Au cours des années 1980, la référence à l’éthique a investi le champ de la communication et de l’entreprise, comme l’observaient Alain Etchegoyen dans La valse des éthiques (1991) et Gilles Lipovetsky dans Le crépuscule du devoir (1992). S’il peut alors donner lieu à critiques, cet intérêt nouveau n’en est pas moins compréhensible. Il tient en partie à l’effacement progressif, à partir des années 1960, des cadres collectifs – partis, syndicats, Églises… – qui enserraient jusque-là dans des systèmes de valeurs faisant autorité. En entreprise, le triomphe du tout-marché, synonyme d’instabilité et de concurrence, est contemporain d’une dépolitisation rapide, par désyndicalisation et individualisation des situations, qui livre les salariés à la solitude du chacun pour soi face à l’incertitude. Dans ce contexte, s’est développée une littérature, d’origine principalement anglo-saxonne, dispensant des conseils d’ordre éthique dans le but d’aider à faire face aux situations professionnelles et de management. Conçus comme des manuels pour lecteurs pressés, ces ouvrages […]