Dans les territoires d’outre-mer, la question de la fin de vie est plus épineuse qu’en Métropole. La religion comme les traditions tiennent là-bas un rôle plus important que sur le reste du territoire français, rappelle Le Figaro. Pour Patricia Claret, présidente de la seule association d’accompagnement des malades en soins palliatifs de Guadeloupe, “il y a 5 000 kilomètres qui nous séparent de la France, ça fait toute la différence”. Comme de nombreux soignants et Ultramarins, elle trouve que le plan “fin de vie” ne tient pas compte des spécificités du territoire. Celle qui accompagne des patients dans leurs derniers instants explique au quotidien : “Ceux que j’accompagne acceptent [l’idée] qu’ils ont fait leur temps. Ils auraient pu réclamer la mort, mais ils ne le font pas. Ce n’est pas dans la mentalité des Guadeloupéens.”

En mars 2023, l’Insee publiait une étude dans laquelle 66 % des natifs d’outre-mer se disaient croyants. Preuve de l’importance de la religion à La Réunion, en 2017, 80 % des enfants étaient baptisés et 75 % d’entre eux faisaient leur confirmation, selon l’Observatoire international des religions. Pour ces Ultramarins, “la mort n’appartient pas aux hommes, elle est le fait de Dieu”, commente Patricia Claret. D’ailleurs, cette spécificité a des effets jusque dans la structuration des équipes de soins palliatifs.

“Serment d’Hippocrate”

En Guyane, par exemple, un référent culturel et spirituel est en poste au sein de l’équipe mobile. Il porte ainsi la parole des chefs coutumiers. Dans ce bout de France, comme à Mayotte comme à La Réunion, les équipes de soins palliatifs assurent qu’une infime minorité des patients auront recours à la loi. Toujours selon elle, la majorité des soignants s’opposent fermement à l’idée de “donner la mort”. Chef du service de soins palliatifs de l’hôpital de Cayenne, le Dr François Coisne chiffre à 94 % la part des soignants qui “refusent l’idée d’injecter un produit létal. Le chiffre doit être encore plus important en outre-mer”.

Des soignants interrogés par Le Figaro témoignent de leur tiraillement, quand d’autres refusent catégoriquement de provoquer “la mort délibérément. Ce ne sont pas mes mots, mais ceux du serment d’Hippocrate”. Le projet de loi porté par Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé auprès du ministre de la Santé et de la Prévention, semble en décalage avec les attentes des acteurs publics d’outre-mer. Eux préféreraient avant tout plus de moyens pour soigner.

“La loi vient du débat de la société”

Député LR de Mayotte, Mansour Kamardine estime, quant à lui, que “la fin de vie n’est pas une priorité. Concrètement, ce n’est pas ce projet-là qui permettra aux populations de sortir de la situation de précarité généralisée”. Pourtant, Karine Allain-Baco, fondatrice et chef du service de soins palliatifs du département, rappelle que “la loi vient du débat de la société. Il n’y a donc pas de raison de s’y opposer. En revanche, son application risque d’être bien plus délicate qu’ailleurs”.

Depuis la Guyane, Sophie Janvier, psychologue clinicienne au sein de l’équipe de soins palliatifs souligne un point important : “L’euthanasie, le suicide assisté et la sédation sont des parcours très différents et encore trop confondus. Même si les patients n’y ont pas recours, les financements permettant l’information sont nécessaires pour qu’ils connaissent leurs droits. Le projet de loi donne également plus de visibilité aux soins palliatifs.”

Un choix personnel

Rapporteur de l’avis du Conseil économique social et environnemental (CESE) sur la fin de vie, Dominique Joseph insiste sur l’importance de considérer les différences entre les territoires français, mais également sur le fait qu’“il faut avant tout partir de la personne, et lui permettre un accès à une information transparente, opposable et complète pour qu’elle puisse avoir le choix”. La fin de vie reste un choix personnel.