Les chiffres révèlent une réalité aussi triste que banale : 60% des actifs français ont été exposés à au moins un agissement à connotation sexiste et/ou sexuelle au travail lors des douze derniers mois, indique un sondage réalisé par OpinionWay, cité par Le Monde. Pis : 10 % ont fait l’objet d’une demande d’acte de nature sexuelle. Par ailleurs, 38% ont entendu des blagues à caractère sexiste. Désormais, la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, entrée en vigueur le 31 mars dernier, qualifie la répétition de tels comportements de harcèlement sexuel.
Ainsi, la notion de harcèlement sexuel au travail s’étend aux “propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés” (article L. 1153-1 du Code du travail) à l’encontre d’un salarié ou d’une salariée, “qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante”. “Cela comprend donc les mauvaises blagues qui font référence à votre identité de genre, par exemple dire à une salariée : ‘Qu’est-ce qui t’arrive, tu as tes règles ?’”, explique au Monde Gilles Riou, psychologue du travail.
“Pas plus de sanctions dissuasives pour l’employeur”
Autre nouveauté, précise le quotidien : la consécration de la notion de harcèlement de groupe et de la pluralité d’auteurs. Ainsi, il peut y avoir harcèlement sexuel “lorsque le même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée”. “C’est la traduction du phénomène de meute qui a déjà une réalité juridique dans le cyberharcèlement, commente le spécialiste. Le législateur a été attentif à la réalité, en reconnaissant que le harcèlement au travail est un phénomène intrinsèquement collectif.”
Mais pour Elise Fabing, avocate spécialisée en droit du travail, interrogée par Le Monde, “la nouvelle définition ne va pas révolutionner le contentieux. Faire rentrer une ambiance sexiste dans le harcèlement sexuel, d’un point de vue politique, c’est fort, mais en termes de pratique… Il n’y a pas plus de sanctions dissuasives pour l’employeur. En tant qu’avocate de victimes, ça ne va pas changer mon quotidien, et le fait qu’il n’y ait pas de condamnation minimale au civil sur le harcèlement pose problème.”