Et plus personne ne sait non plus où se trouve une source d’autorité vraiment fiable. Du côté de l’internaute en effet c’est le flou. Lorsqu’il cherche une information sur la qualité d’un hôtel, d’une prestation, les sites se présentant comme « autorité ès qualité » (Tripadvisor, par exemple) sont faussés : ils ne font que remonter des informations du terrain. Or, sur le terrain, c’est un jeu de dupe : les prestataires écrivent de fausses informations sur leurs concurrents, pour qu’ils aient une mauvaise note, et font écrire des éloges à des amis, qui bien souvent n’ont pas fréquenté l’établissement afin d’obtenir une bonne note sur lesdits sites. L’internaute ne peut être que floué par une autorité autocentrée : à la mesure de l’homme qui se cache derrière son clavier d’ordinateur.
Le savoir-faire de Google et compagnie
Si une source fiable d’autorité est difficile à trouver sur le net, c’est aussi parce que les sources se sont multipliées. À l’envi. Il y en a des milliards ! Autant que d’internautes. C’est la grande réussite – et la grande illusion – des géants de l’informatique, Google, Facebook et autres, que d’avoir su donner les moyens à chaque internaute de devenir lui-même une source d’autorité. Une sorte de petit dieu, derrière son écran. Plus besoin de diplômes ! Plus besoin du livre ou de la bibliothèque ! Aux orties aussi, les hommes de référence ! Il suffit à chacun d’ouvrir son blog et de s’ériger « commentateur » de l’actualité, expert ès foot, mode, cuisine… Un peu comme l’Esprit, au cours des âges, a su insuffler les mots de la critique aux prophètes réformateurs. À la différence que ce qui compte ici, c’est le nombre de personnes qui vous « suivent », vous regardent (via les chaines YouTube, par exemple), vous lisent. Ce qui importe, c’est d’avoir des internautes qui aiment ce que vous faites : les « amis » sur Facebook (abonnés à mon compte) et qui « like », les « followers » sur Twitter… Plus j’ai d’amis, de « followers », plus je suis considéré, sur la toile, comme une autorité, une référence ! Mais, là encore, comme pour l’internaute, le système est biaisé : les abonnés et les « followers » se vendent et s’achètent comme hier les indulgences… Du jour au lendemain, je peux, par mes espèces sonnantes et trébuchantes, « devenir quelqu’un » aux yeux du monde. L’autorité est plus que jamais autocentrée, une parole par laquelle je me regarde, je m’idolâtre, je me construis comme petit dieu cherchant ses « followers » (disciples ?) et gravant sur un « mur » électronique les nouvelles tables de la loi. Ne nous laissons pas imposer ce schéma de l’autorité ! Celle-ci ne peut que nous venir d’ailleurs, d’une altérité : d’une parole qui, parce qu’elle n’est pas du monde, me rend à ma juste place, me constitue en tant qu’homme et me conduit sur les chemins de mon humanité. Une parole qui me dit : « laisse-toi te réconcilier avec moi », me fait devenir fils (quelqu’un d’important aux yeux du Père) et m’appelle à me décentrer. Cette autorité seule, parce qu’elle est tierce, et à même distance de tous, peut me structurer, me faire grandir et faire grandir le monde.