Paru en janvier 2023, le livre Le Frérisme et ses réseaux est à l’origine d’une nouvelle polémique autour de l’islamisme. Florence Bergeaud-Blackler, son autrice, est aujourd’hui la seule chercheuse française à vivre sous protection policière dans l’Hexagone, en raison de menaces de mort. Elle est accompagnée au quotidien par deux officiers de police, depuis plus d’un mois, comme elle l’explique sur France Inter.

Spécialiste du halal, Florence Bergeaud-Blackler a enquêté sur le frérisme et le décrit comme un « système d’action qui a pour but de rassembler l’ensemble des composantes de l’Islam pour l’amener vers la société islamique mondiale ». Sa vision ne fait pas l’unanimité et les universitaires spécialistes de l’islam apparaissent très divisés.

Un débat incendiaire

La Croix a analysé la situation et mentionne les échanges houleux entre la chercheuse anthropologue et François Burgat, directeur de recherche émérite au CNRS. Ce dernier incarne la tendance opposée, car il voit dans l’islamisme une forme de réaction à la domination postcoloniale de la France. Le chercheur est souvent accusé de complaisance avec l’islamisme et soutient une thèse controversée.

Mais les deux islamologues les plus connus du champ médiatique, Gilles Kepel et Olivier Roy, sont tout aussi controversés. Alors que le politologue Gilles Kepel voit dans la violence djihadiste une forme de « radicalisation de l’islam », Olivier Roy lit une « islamisation de la radicalité », comme l’explique La Croix. À coups de plateaux télévisés et de livres, les deux universitaires s’affrontent sur la place de l’islam dans la radicalisation et monopolisent le débat médiatique.

Mais les tensions ont aussi cours en interne, dans le monde de la recherche. Selon La Croix, les universitaires se divisent entre une approche sécuritaire et une approche sociale et psychologique du suivi des publics radicalisés. « Pour les uns, le vrai problème aujourd’hui est l’islamisme ; pour les autres, c’est l’islamophobie », explique un jeune chercheur cité par le journal.

Manque de soutien

Les attentats terroristes et l’assassinat de Samuel Paty ont alimenté les tensions autour du débat sur l’islamisme. Et la loi contre le séparatisme du président Macron oppose fortement les intellectuels : certains y voient la nécessité de contrôler davantage des mouvements opaques, mais d’autres estiment qu’elle jette la suspicion sur les associations musulmanes.

Ces divisions rejaillissent depuis la parution du livre Le Frérisme et ses réseaux et l’annulation d’une conférence de Florence Bergeaud-Blackler à la Sorbonne, début mai. « Le milieu m’a soutenue en partie, il a été ému par cette situation […], s’exprime la chercheuse sur France Inter. Mais le milieu immédiat, le CNRS, les gens qui travaillent sur le sujet ont été en retrait, avec des soutiens confidentiels pour ne pas être atteints eux-mêmes par ce problème. »

Elle estime également que le frérisme a infiltré différents secteurs y compris l’université. « De plus en plus, j’ai vu ma parole réduite, parce que ces milieux étant infiltrés, je suis devenue une cible », dit-elle sur Radio France. Une affirmation qui ne va pas manquer d’alimenter la polémique.