Dans une prédication de 1779, commentant Romains 11, Jean-Frédéric Oberlin, le célèbre pasteur de la vallée de la Bruche, proclamait : « Devant Lui, une insulte faite aux Juifs n’est pas une faute, une faiblesse, mais un crime que Sa Justice vengera sur quiconque s’en rend coupable… Ne croyons pas qu’ils sont rejetés et abandonnés de Dieu. Non, mes frères, notre texte nous dit que « la vocation de Dieu est sans repentance » (xi,29)».*

Cela peut paraître étonnant de la part d’un luthérien de cette époque, quand on sait que le luthéranisme fut longtemps marqué par les propos violemment antisémites que tint Luther à la fin de sa vie. Faut-il rappeler que Calvin fut en rupture avec l’antijudaïsme chrétien de son temps, antijudaïsme qui fut tenace jusqu’au XXe siècle ?

Redécouvrir que l’Évangile n’est pas en rupture avec le judaïsme mais avec certaines formes de celui-ci. Il est important pour nous, chrétiens, de nous nourrir des commentaires juifs sur le Premier Testament avant même d’interpréter à la lumière du Nouveau : le judaïsme nous offre une belle leçon quant à la liberté de l’interprétation et de la méditation des Écritures. Car pourrais-je être chrétien sans être également juif ?

* Patrick Cabanel, Juifs et protestants en France ; les affinités électives, 2004