Par Jean-Paul Le Bourg, délégué du procureur de la République, tribunal de grande instance de Nanterre

On entend dire souvent que la délinquance des jeunes explose et que la justice peine à faire face ou serait laxiste. Or, s’il est exact que les mineurs, et surtout les jeunes majeurs (18 à 24 ans), représentent 38 % des condamnés en 2017, ce pourcentage est stable depuis 2007.

Face à cette délinquance, avant de sévir, la justice tente de prévenir pour éviter les réitérations d’actes délictueux qui conduisent progressivement à la condamnation. Cela passe d’abord par la protection des jeunes en danger, qui peuvent être attirés par la délinquance et ses facilités. Cela passe ensuite, pour ceux qui entrent dans la délinquance parfois très jeunes, par des mesures alternatives à la présentation devant la justice des mineurs, et si nécessaire par des mesures, notamment éducatives, décidées par le juge des enfants.

La protection des jeunes en danger, notamment dans des situations familiales déficientes, est un sujet préoccupant : 105 000 mineurs en 2006, 120 000 en 2017, sont suivis par les juges des enfants. Ils décident des mesures éducatives d’accompagnement de différentes natures, confiées à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), à l’aide sociale à l’enfance, à des associations agréées et à des familles d’accueil (123 000 enfants placés en 2017).

La délinquance des jeunes concerne très majoritairement les garçons, surtout impliqués dans les vols (34 % en 2017), les violences (20 %), les dégradations (11 %) et les stupéfiants (9 %). Face à cette délinquance, la justice a évolué. Elle est plus sévère car elle apporte une réponse pénale dans 93 % des cas contre 77 % en 2001, grâce notamment au recours croissant aux mesures alternatives. Ordonnées par le procureur de la République, elles visent à aider les jeunes à redresser leur comportement pour qu’ils n’aillent pas plus loin. Les mineurs sont présentés à un délégué du procureur, avec leurs parents, mis en garde formellement et signent un document d’engagement qui restera trois ans dans les fichiers, mais sans inscription au casier judiciaire. C’est le rappel à la loi, complété souvent par des mesures de réparation pénale confiées aux unités éducatives en milieu ouvert de la PJJ. Ils peuvent aussi indemniser les victimes des dégâts qu’ils ont causés, et les parents paient, avec un effet pédagogique certain. Ces mesures sont notifiées dans des délais très courts, 3 à 4 mois, ce qui est important pour les mineurs dont il convient de traiter le cas avant que les choses ne s’aggravent. En 2001, ces mesures représentaient 23 % des réponses pénales, actuellement environ 55 %. Si, malgré ces mesures alternatives, les intéressés persistent, ou si les infractions commises sont graves, ils sont confrontés au juge des enfants, en cabinet ou au tribunal des enfants, avec des mesures plus sévères, y compris la prison dans environ 10 % des cas.

L’ensemble de ces mesures semble assez efficace puisque les deux tiers des mineurs concernés ne reviennent plus en justice. Quant à ceux qui poursuivent dans la délinquance, surtout quand ils auront atteint leur majorité, le ton changera : ce ne sera plus de l’aide éducative, de la pédagogie, mais de la sanction.

La justice des mineurs apparaît donc plus protectrice et préventive que répressive. Jusqu’au bout, le corps judiciaire et ses partenaires tentent de les remettre dans le droit chemin. Après, à 18 ans, la justice joue son rôle traditionnel.