La justice est à l’évidence l’un des secteurs de la société moderne (…) qui se trouve être l’objet du maximum de projections, d’attentes, de frustrations : bref, de fantasmes. À l’opacité qui entoure son véritable fonctionnement, mais surtout ses enjeux et ses finalités, chez la plupart de nos contemporains, ne répondent guère qu’une myriade de lieux communs et de caricatures. 

Justice pour restaurer, punir et guérir : l’intitulé de ce numéro se veut à dessein éloigné de tout manichéisme, et par conséquent de toute alternative binaire et réductrice. Il n’est pas question de choisir une justice de restauration contre une justice de punition, a fortiori de viser la guérison en faisant l’économie de toute sanction. Même les plus ardents promoteurs de la justice restaurative ne la présentent jamais comme une panacée appelée à se substituer un jour plus ou moins prochain, dans un monde idéal, à la justice pénale de type classique, mais comme un processus complémentaire à la justice rétributive, et même à la peine de prison, avec lesquelles il s’agira de l’articuler étroitement. Non pas, donc, Justice pour punir, ou pour restaurer et guérir, mais bien Justice pour restaurer, punir et guérir. Loin de toute univocité, la finalité de la justice est plurielle, foisonnante.

C’est cette option, exigeante car cherchant à rendre compte de la complexité du réel, mais de ce fait même d’autant plus féconde, qui a présidé à la confection de ce numéro. C’est pourquoi nous avons choisi, pour commencer, de donner la parole à Bernard Piettre. Celui-ci, partant du constat que la sanction pénale est pénible, se demande d’emblée : pourquoi faut-il faire souffrir pour punir ? La sanction ne pourrait-elle ne pas être douloureuse ? Ce questionnement le conduit à se  […]