Elles essaiment très vite en Europe. Partout, elles questionnent la différence entre égalité et égalitarisme. Ceux qui en sont exclus la voient d’un mauvais œil, comme Caïn.
En 1959, Martin Luther King entreprend, avec son épouse, un voyage en Inde, berceau de la non-violence active. Il découvre là-bas la condition des Intouchables ; condition très comparable à celle des Noirs américains. Il admire Gandhi qui a libéré les Indiens de la tutelle britannique par la non-violence et s’est élevé contre la discrimination qui régnait en Inde. Il a entamé une grève de la faim pour protester contre le système des castes. Au soir de sa vie, un groupe de Brahmanes et un groupe d’Intouchables sont venus le voir pour lui signifier la fin de la discrimination. Désormais, les Intouchables seraient admis dans les temples. Grande victoire ! Pour M.L. King, la différence entre l’Inde et les États-Unis est principalement politique. Le gouvernement de Nehru, en effet, s’est attaché à accorder aux Intouchables des droits particuliers. Une politique préférentielle est imposée pour favoriser leur ascension sociale. C’est une des premières formes de « discrimination positive ». Elle vise, selon Nehru, à « racheter les siècles d’injustice » (Autobiographie…, p. 166).
L’Affirmative action
Rentré aux États-Unis, King dira dans un de ses sermons : « Je suis un Intouchable et chaque Noir des États-Unis est un Intouchable » (p. 163). L’Amérique, selon lui, doit « chercher sa propre façon de racheter les injustices qu’elle a infligées à ses citoyens noirs » (p. 166). C’est ce qu’elle fera avec l’Affirmative Action. Une expression que l’on doit à J.-F. Kennedy. La politique, elle, sera mise en œuvre par son successeur, Lyndon B. Johnson. Le but de ces « actions positives » était de permettre aux Noirs-américains d’être davantage représentés dans les emplois qualifiés, les universités, les médias, la politique…Ces « actions positives » en faveur de ceux qui connaissent, de par leur couleur de peau, leur sexe ou leur sexualité, leur origine sociale ou leur handicap, de graves difficultés pour accéder à l’éducation ou à l’emploi sera reprise par un grand nombre de pays européens, dont la France. Une loi de 1987, par exemple, impose à toute entreprise de 20 salariés ou plus d’employer au moins 6% de travailleurs handicapés. Plus récemment (2000-2001), des conventions ZEP/Grandes écoles permettent à des lycéens issus des cités défavorisées d’intégrer certaines grandes écoles sans avoir à passer le concours commun.
Aujourd’hui, il serait possible de mettre en place une « action positive » permettant aux jeunes souffrants d’un handicap de bénéficier, dans ParcoursSup, de dispositions particulières leur permettant d’accéder à l’université. De même, une « action positive » pourrait permettre aux hommes de prendre un congé de paternité égal à celui des femmes.
Ces politiques d’action positive ont leurs détracteurs. En créant des distorsions dans les systèmes éducatif et professionnel, elles abaissent le niveau des connaissances, dévalorisent les diplômes et déprécient les compétences pures au profit de critères plus ou moins justifiés. Ces détracteurs voient d’un mauvais œil ces « actions positives ». Comme Caïn pour Dieu (Genèse 4), ils s’attardent sur ce que le gouvernement fait pour l’autre et oublient tout ce qu’il fait pour eux. Ne serions-nous pas souvent comme Caïn, incapables de reconnaître les grâces de Dieu et les bénédictions dont nous avons pu bénéficier tout au long de notre existence en termes éducatif, relationnel, spirituel ? Ne serions-nous pas « jaloux parce qu’il » y a de la grâce imméritée ? (Matthieu 20,15)