C’est ce mercredi 18 juin que la Commission des lois du Sénat a entamé l’examen du « projet de loi tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales » présenté par le ministre de la Justice Mme Christiane Taubira. Ce texte sera ensuite discuté en séance publique à partir de mardi prochain. Déjà adopté par l’Assemblée nationale le 10 juin dernier, il introduit dans son article 7 la notion de justice restaurative* « en permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission. »

Cette « troisième voie pénale », comme aiment à la qualifier ses promoteurs, est née au Canada au début des années soixante-dix. A cette époque, deux jeunes hommes se seraient rendus coupables de la destruction de nombreux biens dans une petite ville de l’Ontario. Leur agent de probation, un protestant mennonite, aurait eu alors l’idée de les amener à rencontrer leurs victimes lors d’une réunion d’un groupe d’étude de son église. Ils auraient alors pris conscience du mal causé.

Le véritable père fondateur de la justice restauratrice, Howard Zehr est également mennonite. C’est cet universitaire américain, criminologue et permanent du Mennonite Central Committee, qui l’a théorisée dans un livre publié en 1995 « Changing lenses : a new focus for crime and justice ». C’est encore un protestant américain, évangélique et born again, Charles Colson, qui va en être le promoteur aux Etats-Unis et dans le reste du monde à travers son association Prison Fellowship International (FPI).

Pour ces évangéliques américains, le changement d’une personne ne peut s’obtenir qu’au moyen des relations personnelles, individu par individu, et non en recourant à des actions collectives et politiques. C’est aux bons chrétiens de donner l’exemple selon le principe « good men make good societies ». D’où une conception communautariste de la justice dans laquelle

• le crime est la violation d’une personne par une autre et non celle de règles légales ;
• le coupable doit prendre conscience du mal qu’il a causé, vouloir le réparer et ne pas récidiver ;
• les modalités de réparation doivent être discutées et déterminées par les parties dans un cadre informel, non institutionnel et judiciaire
• le coupable doit être réintégré dans une communauté respectueuse de la loi.

Aujourd’hui répandue dans les pays anglo-saxons mais aussi en Belgique, aux Pays-Bas et en Scandinavie, le concept de justice restauratrice s’est quelque peu institutionnalisé : projet alternatif pour ses fondateurs qui contestaient la justice professionnelle appliquant des règles de droit générales, il est dans la plupart de ces pays devenu un complément au système pénal existant. C’est en tout cas ainsi qu’on le voit au ministère de la Justice qui dans son projet de loi précise que ce principe sera mis « en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ».

* L’expression américaine restorative justice est indifféremment traduite en français par justice restauratrice, justice réparatrice ou par l’anglicisme justice restaurative qui semble avoir la préférence de la place Vendôme.