La violence se compose d’une part de pulsions destructrices, dont l’expression la plus fréquente est l’image mentale – qui n’a pas rêvé un jour de se débarrasser d’un gêneur par des moyens expéditifs ? – et d’autre part d’énergie que les sciences humaines nomment « agressivité naturelle ». Le plus souvent employée au service de la vie, de l’adaptation, elle correspond à l’élan vital, au dynamisme, au désir d’entreprendre et se nomme à l’adolescence « rage de vivre ou haine ». L’adolescent la possède en quantité astronomique.
La violence a aussi une dimension collective car dans un groupe, en particulier adolescent, les individus se sentent déchargés de leur responsabilité individuelle et s’autorisent des attitudes et conduites violentes sans gêne, ni culpabilité. Un groupe peut donc devenir violent à certains moments, dans certaines conditions.
Que faisons-nous de notre violence ?
Savons-nous percevoir et nommer la violence ? La contenir ? La sublimer ou la transformer en forces au service de la vie ? Nos difficultés à apprendre à transformer la violence, et à transmettre ces apprentissages aux enfants et adolescents, semblent liées à la culture française. Dignes héritiers du mythe révolutionnaire, nous continuons à croire que la violence est une manière légitime et légale de faire entendre nos justes revendications. Et si de nombreux jeunes participent aux violences urbaines, c’est pour décharger le trop-plein d’énergie dont ils ne savent que faire mais aussi par contagion, car la violence appelle la violence.
Où apprennent-ils à inscrire leur énergie violente dans des projets de vie plutôt que de mort ? Les parents apprennent-ils à leurs enfants à ne pas répondre à la violence par la violence en leur transmettant des compétences sociales, notamment la gestion de leurs conflits intérieurs au mieux des exigences éthiques ? Les enseignants apprennent-ils à leurs élèves à résoudre leurs conflits par la médiation plutôt que la violence ?
Des initiatives scolaires individuelles Les expériences scolaires visant à aider les adolescents à transformer leur propre violence seraient liées essentiellement à des enseignants, et non à l’institution. Ces enseignants pensent que les savoirs pratiques ont toute leur place à l’école aux côtés des savoirs conceptuels et qu’il est possible d’apprendre aussi bien à gérer son stress qu’à communiquer paisiblement avec autrui, y compris dans le conflit1. Mais ces projets ont souvent du mal à perdurer car la culture scolaire française reste rivée sur la transmission des connaissances et persuadée qu’il suffit de posséder un bon niveau de savoir pour savoir être et savoir faire, ce qui est une illusion.
Il est d’autant plus urgent de sortir de nos croyances culturelles que les violences interindividuelles et aussi guerrières s’intensifient dans nos sociétés occidentales. Signes d’un mal-être individuel et collectif, elles titillent en chacun sa propre part de violence et la libèrent dans l’espace familial ou social. L’adolescent est ici particulièrement vulnérable car il n’a pas toujours les moyens psychiques pour nommer, contenir et transformer sa violence. Et parfois il la retourne contre lui-même, à travers des comportements à risque2 ou des passages à l’acte violents contre soi, notamment dans la tentative de suicide.
Où sont les lieux de parole informels portés par des écoutants, réunissant des adolescents autour de questions essentielles, existentielles, dont ils pourraient parler ensemble ? Églises et mouvements d’Églises pourraient-ils porter de tels projets ?
Par Édith Tartar Goddet, présidente de l’ap2e, association protestante pour l’éducation et l’enseignement
1 Édith Tartar Goddet, Savoir communiquer avec les adolescents, Retz, Paris, 2006.
2 Parmi ces comportements à risque, on peut citer l’alcoolisation ponctuelle importante ou le gaz hilarant.