L’homosexualité, la bisexualité, l’intersexualité et même la fluidité de genres sont dans la nature et s’observent dans le règne animal. Pourtant, la Bible, comprise comme un manuel de biologie daté des années 1500 avant la venue de Jésus, a longtemps servi à refuser l’existence de la diversité sexuelle, de genre et d’identité au sein des Églises chrétiennes.

Malgré tous les accords œcuméniques en cours et les textes symboliques chrétiens mettant en avant notre seul baptême pour être agrégé·e à la communauté du corps du Christ, de nombreuses discriminations menant à de mauvais traitements honteux ont exclu les personnes LGBTQIA + de nos assemblées.

Parfois, telle une lumière dans l’obscurité de leurs chemins, une avancée s’observe grâce à l’effort courageux de témoignage, de dialogue et même de travaux académiques des personnes concernées, qu’elles soient LGBTQIA + ou issues de familles arc-en-ciel (dans laquelle un parent, au moins, se définit comme homosexuel, lesbienne, bisexuel.le ou trans).

Un premier signe d’alliance : l’adelphopoiesis

Dans son ouvrage Christianisme, tolérance sociale et homosexualité, John Boswell documente une réalité : l’homosexualité, plus précisément masculine et inscrite dans des rapports de pouvoir précis – inacceptables de nos jours –, ne posait pas de problèmes aux différentes déclinaisons du christianisme jusqu’au XIIIe siècle. D’ailleurs, un rituel chrétien d’union entre deux hommes, l’adelphopoiesis, semble avoir été largement pratiqué. Cette parenthèse historique refermée, l’homosexualité devint progressivement un péché grave et un objet de répression. Cette régression des libertés s’est observée concernant le statut des minorités (personnes juives) et des femmes.

Une pastorale liée à une pandémie

La présence des personnes homosexuelles (l’acronyme LGBTQIA+ est très récent) n’est pratiquement pas documentée dans les sources ecclésiales jusqu’à la pandémie du SIDA. Bien que des lieux catholiques liés au monachisme ainsi que des petites communautés de vie de femmes ou d’hommes aient toujours existé, très certainement comme des refuges pour les personnes homosexuelles, elles n’ont survécu que grâce à la culture du silence. Le SIDA a montré au grand jour les failles d’un système ecclésial qui vivait dans le déni, puisque des milliers de personnes ont fait appel à des clercs, catholiques et protestants, pour les accompagner en fin de vie… et que la majorité des Églises les ont laissées mourir seules. Jean Vilbas, dans ses différents écrits sur l’émergence du mouvement inclusif chrétien, souligne que des accompagnements ont été rendus possibles grâce à l’existence de petites associations fondées par des militant·es issu·es des Églises, qui ont mis en contact des clercs accueillant·es et des malades ou des familles de malades. Cette situation de crise a renforcé la conviction des chrétien·nes inclusif·ve·s que le déni n’est pas la solution et que les baptisé·es homosexuel·les ne peuvent plus être traité·es comme des croyant·es de seconde zone.

Des associations audacieuses

Très peu de dénominations chrétiennes reconnaissent les personnes LGBTQIA+ comme égales aux autres au sein de leur système religieux. Les différentes dénominations protestantes ou affiliées de près ou de loin ont cependant ouvert timidement la voie, du fait d’une meilleure prise en compte de la parole des fidèles et d’un fonctionnement moins hiérarchique.

C’est ainsi que des paroisses nord-américaines, à San Francisco par exemple (lieu refuge historique de la communauté arc-en-ciel), ont hébergé des associations militantes chrétiennes et ont progressivement intégré les demandes des personnes concernées dans leurs synodes et autres lieux décisionnels.

En France, c’est grâce à un travail patient, de pastorale discrète mais aussi de lobbying théologique nécessaire, que des sujets liés aux personnes LGBTQIA+ ont été relayés, souvent balayés et finalement, avec beaucoup de réticence, entendus et compris. Ce travail a été fait, en France, de façon bénévole, par des associations de personnes concernées telles que David & Jonathan, Devenir Un en Christ, le Carrefour des chrétiens inclusifs et la Communion Béthanie.

Entrer en chemin d’inclusivité

L’existence d’associations de militant·es chrétien·nes a été indispensable pour sortir les chrétien·es non concerné·es de la culture du déni et de l’oppression. Parallèlement, des membres engagé·es et des pasteur·es, souvent concerné·es dans leur vie personnelle (enfant queer, ami·es homosexuel·les,etc.) ont commencé à se documenter et à déconstruire leurs biais de lecture de la Bible. Des paroisses sont entrées en chemin d’inclusivité, en lien avec un certain nombre de sujets portés par les personnes concernées.

Sortir de l’injonction à la discrétion

Le texte de la Communion protestante luthéro-réformée, issu d’une consultation de plusieurs années et sorti en 2004, est significatif d’un certain état d’esprit. Il y est stipulé que tout le monde est le bienvenu dans l’Église, homosexuel·les compris·es… pourvu qu’ielles soient discrètes et discrets.

Si certain·es homosexuel·les revendiquent le droit à l’indifférence, il est cependant impossible d’être discret lorsqu’on se marie à l’église, qu’on vient en famille ou qu’on fait baptiser ses enfants. Ces actes ecclésiaux sont annoncés et souvent vécus publiquement, en tout cas en régime protestant. Et avant même de les vivre, il faut y être autorisé·es : il est bien triste de constater qu’à de rares exceptions près, comme celles de nos Églises luthériennes et réformées en Europe et en culture occidentale, les couples queers ne peuvent pas se marier à l’église, et sont donc interdits de fonder une famille chrétienne.

On les condamne au placard, ce qui favorise un communautarisme qui sera fustigé par celles et ceux qui les oppriment. L’absurdité d’un système oppressant est rapidement mise à jour.

Des questions de vie et de mort

Grâce aux militant·es et à leurs allié·es, mais aussi grâce à nos régimes démocratiques qui condamnent les discriminations, les personnes LGBTQIA+ présentes dans les pays d’Europe occidentale ont accès à des paroisses inclusives dans un périmètre de 200 km à la ronde (estimation personnelle). Il en va de même en Amérique du Nord, au Brésil et dans l’une ou l’autre zone d’Amérique latine ainsi qu’en Australie et dans quelques métropoles asiatiques et africaines. Partout ailleurs, les personnes homosexuelles, bisexuelles, transgenres, intersexes et non-binaires n’ont aucune possibilité d’être reconnues comme aimées de Dieu telles qu’elles sont, de venir en couple, d’être bénies dans leur union, de fonder une famille arc-en-ciel, de faire une transition de genre ou d’être défendues, bébés, contre les mutilations génitales faites aux enfants intersexes. Autant de sujets de prière et de mobilisation, pour l’émergence d’un monde sans viol ni violence.