Les questions de l’alimentation et du logement sont essentielles quand on parle de précarité ou de sans-abrisme, mais c’est sur le front du lien social que l’association la Cloche bataille. Ici, le retour à l’emploi n’est pas un indicateur de réussite. On parle plutôt de relations, d’inclusion, de confiance… et on construit des réseaux de solidarité à l’échelle du quartier.
Le plus connu d’entre eux est sans nul doute le Carillon, qui rapproche les commerçants et les citoyens sans domicile.
Les commerçants partenaires
Les commerçants ont un rôle majeur à jouer, ils peuvent proposer des services ou produits gratuits à leurs voisins sans domicile : un verre d’eau, l’accès au wifi, aux toilettes, des premiers soins, la possibilité de téléphoner, de déposer des bagages… ou encore des produits suspendus comme un café ou un déjeuner prépayés, une coupe de cheveux.
Une communauté se crée entre commerçants et voisins. « On amorce un changement de regard », explique Sébastien Kfoury, responsable essaimage à la Cloche. Des liens se tissent. Des événements s’organisent. La soupe impopulaire a toujours du succès : on inverse les rôles, les bénévoles avec ou sans domicile cuisinent et distribuent aux passants. Personne n’est « bénéficiaire », ou plutôt tous le sont « car chacun est au bénéfice du lien social dans une relation », insiste Sébastien Kfoury.
Tous s’engagent pour recruter de nouveaux partenaires. L’inclusion se décline au sein même de l’association : les citoyens, avec ou sans domicile, qui deviennent bénévoles peuvent être administrateurs. C’est le cas pour dix d’entre eux dans chaque région où la Cloche est implantée.
Changer le regard sur le monde de la rue
Pour changer le regard du grand public sur le monde de la rue, la Cloche mène aussi des campagnes de communication d’envergure. La sensibilisation sur la grande exclusion débute dans les écoles et se poursuit lors d’événements publics, auprès de différents acteurs en lien avec des personnes sans domicile que la Cloche propose d’accompagner vers des pratiques plus inclusives. « Il faut faire changer les mentalités et agir sur le système pour offrir une seconde chance aux personnes de la rue », prévient Yahel Guérin, directrice de la région sud.
Le défi est de taille, notamment dans les quartiers aisés où les stéréotypes sont très forts et les commerçants peu enclins à ouvrir leurs portes aux personnes sans domicile. Néanmoins, certains acceptent des boîtes à dons ou des cafés suspendus – s’ils sont distribués hors de leur établissement. Dans les quartiers les plus populaires, les commerçants, habitués à rendre des services au quotidien, acceptent volontiers le pictogramme du Carillon sur leur porte et l’effet boule de neige est bénéfique. « C’est la philosophie du colibri qui va petit à petit amener de la bienveillance et de la solidarité », assure Yahel Guérin. Pour promouvoir son action, la Cloche cherche aujourd’hui à s’appuyer sur des structures sociales existantes. Elle propose de les aider à développer le programme Carillon dans leur région.
La Cloche en quelques chiffres :
42 salariés répartis sur 11 régions ; 1 200 commerçants partenaires ; 47 000 services rapides ; 12 500 produits en attente d’être consommés ; 73 % des personnes ayant connu une expérience de mal-logement et grande précarité se sentent moins seules ; 83 % des personnes n’ayant pas connu la grande précarité ont pris conscience des préjugés qu’elles pouvaient avoir sur la grande exclusion ; 78 % des personnes se sentent davantage capables d’agir contre la grande exclusion (mesures d’impact 2021).