Par Pierre-Olivier Dolino, délégué général de la Fédération de l’Entraide protestante
« L’enfer, c’est les autres », affirmait Sartre. L’autre, qu’il nous ressemble ou nous échappe, agit comme un miroir tendu à notre propre image. Il trouble notre narcissisme, remet en cause les certitudes que nous construisons à notre sujet. Son existence même dérange car elle souligne nos différences autant qu’elle révèle notre humanité partagée. Ethnie, culture, classe sociale… les lignes de fracture sont nombreuses mais elles ne sauraient occulter cette vérité première : chacun est unique et c’est en cela que nous sommes tous semblables.
« Suis-je le gardien de mon frère ? », interroge Caïn dès les premiers chapitres de la Bible. À cette question, la seule réponse qui vaille est oui. Oui, nous sommes responsables les uns des autres. Les inégalités de naissance ne peuvent trouver aucune justification dans le mérite. Nous héritons d’un monde inégal et cette dette, nous ne pouvons l’ignorer.
Quand les chrétiens demandent à Dieu de leur pardonner leurs offenses, ils l’implorent d’effacer leur dette. Mais qu’en est-il de la nôtre envers les autres ? Serons-nous des débiteurs impitoyables, sourds et implacables, ou des serviteurs capables de reconnaissance et de justice ? Car la dette peut engendrer la culpabilité, ferment de violence, ou devenir le point de départ d’un engagement solidaire.
Reconnaître cette dette est le premier pas vers la réconciliation. Le second, c’est le combat pour une justice vraie. L’autre, dans la rencontre, nous révèle à nous-mêmes. Il ne nous flatte pas toujours, mais il nous grandit. Il nous ouvre à une espérance féconde, à une vie où chacun a sa place.
C’est cette expérience que vivent tant de personnes, accueillies ou engagées dans nos institutions protestantes et dont nous rendons compte dans ce numéro. Puisse leur exemple nous inspirer et faire de nous, à notre tour, des témoins d’espérance.