Dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789, il est écrit à l’article 2 : « Les droits imprescriptibles de l’homme sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » La sûreté est comprise comme ce droit à ne pas être entravé par l’État dans l’exercice de ses droits fondamentaux. La sûreté est la garantie du respect des droits civils et politiques, la sûreté est conçue comme une garantie contre l’arbitraire mais elle inclut implicitement la sécurité des personnes dans tous les sens du terme. C’est en ce sens aussi que la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) de 1948 traite de la sûreté dans son article 3. 

Le droit à la sécurité, un droit économique et social

Il est très intéressant d’observer que le droit à la sécurité dans une acception large et globale est posé explicitement par la DUDH non pas comme un droit civil et politique mais comme un droit économique et social. À l’article 22 est introduit le droit à la sécurité sociale et, à l’article 25, le droit à la sécurité de toute personne en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. En période de crise sanitaire, sociale et économique, soudain ce droit à la sécurité économique et sociale revient au premier plan. La question du pouvoir d’achat aujourd’hui écrase le sentiment d’insécurité monté en épingle pour renforcer la répression. D’autres soucis relèguent au second rang ce qui pouvait à certaines époques apparaître comme la priorité.

Sûreté et sécurité, les effets pervers de la confusion.

En France, le droit à la sécurité, au sens strict, n’est érigé en droit fondamental et explicitement consacré que depuis vingt ans, depuis une loi du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne comme une condition de l’exercice des libertés et de la réduction des inégalités. À l’occasion d’un changement de majorité politique, le texte est modifié, « la réduction des inégalités » pour fonder le droit à la sécurité est abandonnée au bénéfice d’un texte qui assume une totale confusion avec le droit à la sûreté : « La sécurité est un droit fondamental et l’une des conditions de l’exercice des libertés individuelles et collectives ». Depuis, les effets pervers de cette confusion s’expriment par des textes aussi inutiles et dangereux que la loi « Sécurité globale » ou encore la loi dite « Séparatisme ». Ce nouveau droit fondamental à la sécurité a justifié une avalanche de textes restrictifs des libertés individuelles et une répression d’une sévérité que nous n’avions jamais connue ; le nombre de personnes incarcérées ne cesse d’augmenter à nouveau malgré le creux observé pendant la période la plus dure de la Covid. L’état d’urgence en matière de terrorisme et de crise sanitaire a justifié aussi de multiples restrictions des libertés, attentatoires à l’État de droit. Si certaines peuvent paraître justifiées, ce n’est pas le cas de toutes. 

Le premier enjeu politique est de parvenir à hiérarchiser les sécurités à garantir, le second est de garantir la sécurité sans porter atteinte à la sûreté. L’enjeu pour chacun d’entre nous est de ne pas abandonner aux pouvoirs publics la garantie de toutes les sécurités, en n’oubliant jamais que nous ne manquons pas de « prochains ».

Par Christine Lazerges, professeur émérite de l’Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, ancienne présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH)

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Une société sans sûreté est une société totalitaire : la sûreté s’entend du respect par l’État des libertés et droits fondamentaux. Les atteintes par l’État et les collectivités territoriales aux libertés associatives ou à la liberté d’expression, par exemple, sont des atteintes à la sûreté.

La sécurité s’entend de la sécurité des personnes et des biens ainsi que d’autres modalités de protection comme la sécurité sociale ou environnementale.