Rendez-vous familial par excellence, le marché de Noël de Strasbourg a été endeuillé le 11 décembre 2018. En dix minutes, Chérif Chekatt tuait cinq personnes et en blessait onze autres. Jeudi 29 février, en l’absence du terroriste abattu deux jours après les faits, quatre hommes seront jugés par la cour d’assises spéciale sur l’île de la Cité, à Paris. Ils sont suspectés d’avoir permis à Chérif Chekatt de se procurer l’arme utilisée le soir de l’attentat, rappelle France 3 Régions

Ex-rappeur et délinquant connu pour faire du commerce d’armes, Audrey Mondjehi est le principal suspect. Il avait rencontré Chérif Chekatt en détention en 2007. En 2018, il avait été recontacté par ce dernier, alors en quête d’une arme. Le 19 septembre, le binôme se rend à Haguenau (Bas-Rhin). Il a rendez-vous avec un certain Christian Hoffmann, membre de la communauté des gens du voyage. Il repart avec une kalachnikov factice. Dix jours plus tard, Audrey Mondjehi est de retour. Christian Hoffman lui remet, cette fois, une carabine 22 Long Rifle. L’arme est destinée à Chérif Chekatt, mais est défaillante. Lors de l’enquête, Christian Hoffmann a assuré qu’il pensait que l’arme servirait à commettre un vol ou dans le cadre du tournage d’un clip de Mondjehi.

Des recherches troublantes sur Internet

En novembre 2018, Chérif Chekatt cherche encore une arme. Et au début du mois de décembre, il multiplie les recherches en ligne pour trouver comment supprimer ses comptes Skype, Facebook ou Telegram. Il regarde également comment utiliser une carabine 22 Long Rifle, tout en se renseignant sur l’État islamique et sur des actions violentes perpétrées à Paris ou à Mulhouse. Ce qui fait dire aux enquêteurs que son projet terroriste était prêt.

Le 5 décembre, Audrey Mondjehi et Chérif Chekatt font route vers Sélestat. Ils se rendent au domicile de Stéphane et Frédéric Bodein. Les deux frères sont eux aussi issus de la communauté des gens du voyage. Audrey Mondjehi leur demande si quelqu’un peut lui procurer une arme. Le binôme repartira bredouille, mais avec un numéro de téléphone : celui d’Albert Bodein. L’homme, alors, âgé de 78 ans est un cousin du père des deux frères.

Sélestat puis Colmar

Lui vit à Colmar (Haut-Rhin). Chérif Chekatt et Audrey Mondjehi s’y rendent le matin même de l’attentat. Ils ont rendez-vous avec le septuagénaire sur le parking d’un magasin de meubles, puis gagnent son domicile. Ils en ressortiront avec un vieux revolver de calibre 8 mm, un Lebel 1892. Pour semer la terreur dans le centre-ville de Strasbourg, Chérif Chekatt s’armera également d’un couteau.

Pendant l’enquête, des proches d’Audrey Mondjehi évoqueront la surprise de celui-ci lorsqu’il a appris que l’auteur de la tuerie était Chérif Chekatt. Son angoisse, aussi. Le 12 décembre, tous les Bodein et Audrey Mondjehi se retrouvent à Sélestat. L’entrevue vise à se mettre d’accord sur la version des faits à livrer aux forces de l’ordre.

“De mes nouvelles demain sur BFM”

Le rappeur craint d’autant plus le pire que lorsqu’il s’est séparé de Chérif Chekatt, après leur virée colmarienne, celui-ci aurait lâché : “Oh, les mecs, vous aurez de mes nouvelles demain sur BFM.” Une phrase rapportée par d’autres personnes entendues par les enquêteurs.