C’est une première pour le Rassemblement National. De manière inattendue, le député de la Somme Jean-Philippe Tanguy (RN) a annoncé, lundi 8 décembre, une proposition de loi visant à rouvrir les maisons closes sous la forme de lieux coopératifs pour les prostituées. « Je vais proposer la réouverture des maisons closes, mais tenues par les prostituées elles-mêmes, en mode coopératif », a indiqué le député d’extrême droite aux membres de la commission des finances. « Je prépare une proposition de loi en ce sens », précise-t-il au journal Le Monde. « Une première version est prête, mais doit être améliorée. J’ai le soutien de Marine [Le Pen] pour cette initiative », a-t-il indiqué.
La proposition iconoclaste de Jean-Philippe Tanguy
Vantées par le député, les maisons closes pourraient être une alternative au modèle répressif adopté par la France depuis la loi de 2016 « visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel ». Un texte qui pénalise les clients, auquel s’oppose le Syndicat du Travail Sexuel (Strass), marqué très à gauche, depuis son adoption. Pour Jean-Philippe Tanguy, le système actuel constitue « le summum de l’hypocrisie bourgeoise ».
« Quand j’étais jeune, j’ai un peu participé au travail du Bus des femmes (une association d’aide aux personnes prostituées) au bois de Boulogne ». Le député reprend ensuite : « j’ai alors vu la précarité, la souffrance, l’horreur quotidienne que vivaient ces femmes. Dans le quartier de Saint-Lazare, à Paris, j’ai aussi rencontré de vieilles prostituées, très fières de leur métier. » Il explique que, selon son modèle actuellement en cours de travail, « les prostituées seraient impératrices en leur royaume ». Une position qui détonne au sein de son parti. En 2013, ciblant les prostituées étrangères, Marine Le Pen avait proposé de « renvoyer ces jeunes filles dans leur pays d’origine », indiquant dans le même temps que la pénalisation de clients créait « un surcroît de danger » pour les prostituées.
La position du Syndicat du Travail Sexuel (Strass)
De son côté, le Syndicat du Travail Sexuel prône la décriminalisation. « Ça fait 50 ans qu’on dit qu’on est contre la réouverture des maisons closes. Le droit à la santé, à la sécurité, d’association, au travail, de se syndiquer, etc. sont des droits humains qui doivent être ouverts sans passer par un contrôle coercitif réglementaire », témoigne le syndicat sur X. À l’époque de la loi de 2016, le Strass avait alerté les parlementaires sur les dangers de la pénalisation des clients qui précarisait d’autant plus les travailleuses du sexe, encore plus « exposées aux violences », rappelait BFMTV.
Une alerte partagée également par le Planning familial et le Défenseur des droits. En effet, selon le Strass, la loi contraint les prostituées à se cacher, à pratiquer leur métier toujours plus loin dans les bois ou ailleurs, ou à accepter des pratiques qu’elles n’auraient pas voulu en temps normal. Bien que favorable à une sortie du modèle répressif, inspirée par la Suède, le Strass témoigne au Monde : « Hors de question de se retrouver alliés du RN et de ceux qui veulent chasser les étrangers ». Selon le syndicat : « la gauche n’a rien fait, comme elle nous a abandonné depuis 50 ans. Le RN s’engouffre dans le vide laissé et continue son entreprise de dédiabolisation. »
L’ancien modèle, vieux du début du XIXe siècle
Fermées en 1946 après la loi Marthe Richard, les maisons closes dataient d’un système établi en 1804 qui, en donnant une existence légale aux « bordels », permettait également de cacher les prostituées pour préserver la morale à l’aune de l’époque bourgeoise, indique Le Monde. En déclin, les maisons closes ont subi la répression d’après-guerre contre « la mafia des tenanciers ». Derrière les murs des établissements se cachaient bien souvent de nombreux faits de violence où les prostituées étaient victimes de la discipline et de la hiérarchie instiguées par les propriétaires. Une troisième voie existerait-elle pour les prostituées, initiée par elles-mêmes ?

