Ceci en partie car il fonde «encore trop le rapport à l’adhérent et au militant» au cadre de moins en moins fréquent de collectifs de travail «sur un seul site, avec des instances représentatives du personnel hiérarchisées et des salariés immobiles» alors que, de plus en plus isolés, les travailleurs ont justement «besoin d’être conseillés, accompagnés, défendus, émancipés» par des syndicats sachant renouveler leurs structures et leurs pratiques.
Penser l’avenir du travail nécessite, paradoxalement, d’être capable de faire un retour historique sur ses évolutions et particulièrement sur l’évolution de son organisation. Le travail est une activité duale: à la fois profondément individuelle et irréductiblement collective. La première dimension, individuelle, réside dans ce rapport itératif qui existe entre ce que je suis et ce que je fais. Comme être humain, j’imprime sur mon travail, sur ce que je produis, la marque de ce que je suis, de mes manières de voir, de penser le monde qui m’entoure et l’activité que je mène. En retour, mon travail contribue à me forger tel que je suis – et tel que je serai – par ce qu’il m’apporte d’expériences, de découvertes, d’apprentissage, comme le décrit Michael Crawford dans L’éloge du carburateur. Ce rapport itératif de l’homme et de son travail, c’est le fameux Homo Faber de Bergson et d’Arendt, l’homme pensé (et qui se pense) à travers ce qu’il produit.
Composante essentielle de notre identité individuelle, le travail a également une dimension collective qui est constitutive de nos sociétés. Pour se développer socialement, techniquement et économiquement, ces dernières ont installé un partage des tâches croissant entre individus. Nos savoirs sur les premières sociétés humaines nous montrent que déjà existent certaines formes de répartition des tâches (Marylène Patou-Mathis forme l’hypothèse pour l’Homme de Néandertal). Au fur et […]