De la sorte, l’homme de la rue se conforme, au moins en apparence, aux postulats de la théorie économique classique. En effet, cette approche du travail ramené à sa dimension instrumentale était déjà celle d’Adam Smith, qui n’y voyait pour sa part qu’un « sacrifice de repos, de liberté et de bonheur ». (…) À partir des années 1980, cette logique, qui prévalait jusqu’alors sur le marché, à l’extérieur des organisations de travail, s’est progressivement insinuée en leur sein, où s’est installé un climat de compétition marqué par l’omniprésence des préoccupations de gestion. S’ensuit aujourd’hui un mal-être croissant au travail, qui affecte les employés mais gagne aussi les cadres. Est en cause une manière de gouverner les entreprises, les administrations et même quantité d’associations qui privilégie désormais des objectifs d’efficience et pilote les conduites à la lecture d’indicateurs chiffrés. Le management par la performance se détourne ainsi de ce qui se joue dans le concret de l’activité, au mépris de l’équilibre personnel des employés. Il les prive de la possibilité d’accomplir un travail bien fait. Travailler au mépris de l’estime de soi ne va pas sans souffrance, parfois au prix du burn-out, ni sans violence, notamment managériale.
Sur cette donne fondamentale se greffent les métamorphoses de la condition au travail telles qu’elles résultent, entre autres, des méthodes de production, de la progressive taylorisation des activités de service, du numérique, de la digitalisation du travail ou, plus récemment, du […]